En Israël, la coalition rattrapée par la réalité du conflit israélo-palestinien

l’ex-premier ministre Benjamin Netanyahu. Photo: Afp, Oren Ben Hakoon

Le seul gouvernement de l’histoire d’Israël soutenu par un parti arabe et forgé pour évincer l’ex-dirigeant Benjamin Netanyahu devait éviter les sujets clivants. Mais il a finalement trébuché sur le conflit israélo-palestinien, jusqu’à remettre en cause de futures alliances avec la minorité arabe.

Par Guillaume LAVALLÉE / Claire GOUNON

En juin 2021, après plus de deux ans de crise et quatre élections législatives, le leader de la formation de droite radicale, Naftali Bennett, et le chef centriste Yaïr Lapid annoncent la formation d’une coalition hétéroclite.

Objectif: chasser du pouvoir M. Netanyahu, Premier ministre depuis 12 ans sans interruption et inculpé pour corruption dans une série d’affaires.

Pour y parvenir, MM. Bennett et Lapid fédèrent les “anti-Bibi”, du surnom de M. Netanyahu, à gauche, au centre, à droite et aussi la petite formation arabe israélienne Raam qui concentre ses appuis chez les bédouins du sud du pays.

Le message est clair: tenter de “réunir” toutes les franges de la société et “éviter” les sujets qui divisent, dont celui de la colonisation israélienne dans les Territoires palestiniens occupés, l’une des principales pierres d’achoppement au règlement du conflit israélo-palestinien.

La coalition passe les mois suivants en mode lune de miel, faisant adopter un premier budget d’Etat en plus de deux ans. Mais elle commence à se lézarder ces derniers mois notamment après des heurts entre Palestiniens et policiers israéliens sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, Raam “gelant” alors son appui au gouvernement.

Et début juin, c’est la crise. Deux députés arabes, un de Raam et une autre de Meretz (gauche), refusent de voter le renouvellement d’une loi accordant aux 475.000 colons de Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, les mêmes droits qu’aux Israéliens en Israël, ce qui révulse des élus de droite dans la coalition.

M. Netanyahu, qui pourtant défend cette loi, a aussi refusé de soutenir le gouvernement pour la renouveler. Mais avec une ambition différente: exposer les divisions dans la coalition qui n’avait plus les appuis internes suffisants pour faire adopter le texte, notent des analystes.

– “Juifs contre Arabes” –

Incapable de faire adopter la loi, M. Bennett jette l’éponge lundi et annonce que son gouvernement fera voter la dissolution du Parlement, pour convoquer, à l’automne, un cinquième scrutin en moins de quatre ans.

Cette dissolution permet de proroger automatiquement la loi qui devait être renouvelée d’ici au 30 juin. Sinon les colons israéliens en Cisjordanie risquaient de perdre leur protection légale en vertu du droit israélien.

Le texte visant à dissoudre la Knesset (Parlement) sera soumis à un vote préliminaire des députés mercredi, avant d’être étudié en comité et de faire l’objet de plusieurs lectures.   

Lundi, M. Netanyahu, chef du Likoud (droite), a accusé la coalition d’avoir “dépendu de soutiens terroristes” et “abandonné le caractère juif d’Israël”. “Il y a une majorité de droite à la Knesset mais certains ont préféré s’associer à un parti arabe qu’avec moi (…)”.

Pour l’analyste Aviv Bushinsky, un ex-chef de la communication de M. Netanyahu, les Arabes israéliens “voulaient plus que ce que nous étions prêts à leur donner. Si la droite remporte les élections, Mansour Abbas (leader de Raam) restera dans l’opposition et il pourrait même ne pas être élu”.

– “Impardonnable” –

Dans ce contexte, l’un des principaux axes de la prochaine campagne électorale devrait être “Juifs contre Arabes”, selon le Yediot Aharonot, titre le plus vendu de la presse locale.

“Le Likoud va dire qu’intégrer un parti arabe dans la coalition a été un péché impardonnable, un acte de trahison. Les sondeurs du Likoud ont déjà discerné chez des juifs israéliens une sorte de haine ou un désir de se venger contre l’ensemble de cette minorité”, poursuit le Yediot.

Les Arabes israéliens sont les descendants des Palestiniens restés sur leurs terres à la création de l’Etat d’Israël en 1948 et qui représentent environ 20% des 9,6 millions d’habitants du pays.

Pour l’analyste Dahlia Scheindlin, il y a bien une leçon à tirer de cette coalition hétéroclite: “aucun gouvernement ne peut se permettre de mettre de côté le conflit israélo-palestinien.”

M. Netanyahu savait “qu’il y avait une grande chose qui les divisait, à savoir l’occupation (des Territoires palestiniens) et le conflit. Et il a tenté de tourner le fer dans cette plaie”.

Quelle que soit l’issue de la crise politique, l’allié américain a affirmé qu’il comptait poursuivre son “partenariat stratégique” avec Israël.

“Notre relation avec Israël ne dépend pas de la personne qui occupe la fonction de Premier ministre”, a dit le département d’Etat.

Source: AFP