Présidentielles au Gabon : Le bras de fer entre Ali Bongo et ses opposants a commencé

Présidentielles au Gabon : Un fichier électoral taillé sur mesure
Les principaux candidats à l’élection présidentielle gabonaise de 2016

Près de 2600 plaintes ont été déposées hier à la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP), l’organe en charge de la validation des candidatures et de l’organisation des élections.  Ce dépôt de plainte intervient quelques jours seulement après que le candidat Ali, soit allé lui-même déposer son dossier de candidature, escorté par tous ses soutiens et un escadron militaire qui a bloqué toute l’avenue menant à la CENAP, et empêché tant qu’à faire, la tenue d’un meeting politique de l’opposition et de la société civile.

Par Tomo Diophante

Les plaintes, déposées par deux partis d’opposition émanent de citoyens gabonais qui demandent à la CENAP d’invalider la candidature du président sortant, au motif qu’il n’aurait acquis la nationalité gabonaise qu’après son adoption par l’ancien président Omar Bongo et que par conséquent, n’étant pas Gabonais de naissance, il ne peut être candidat à cette élection, comme le prévoit  expressément l’article 10 de la Constitution du pays.  Selon les représentants desdits partis, l’Union nationale en aurait déposé 1500, tandis que leurs collègues d’Héritage et modernité, le dernier né des partis d’opposition au Gabon,  en ont apporté 1100. Pour le président de ce mouvement,  Alexandre Barro Chambrier, ancien proche du pouvoir, devenu dissident avant d’être exclu du parti au pouvoir, il n’est pas possible de « cautionner une situation d’un personnage qui serait à la tête de l’Etat sans remplir les conditions »

Avec ses milliers de plaintes, et peut être encore d’autres à venir, la question qui se pose maintenant est de savoir que va dire et faire cette commission, dont les locaux ont récemment été déménagés dans un camp ultra protégé par les militaires de la Garde républicaine et dont certains membres sont directement choisis par le pouvoir, notamment son président nommé par la Cour constitutionnelle et son rapporteur général, coopté directement par le Ministre de l’Intérieur, un proche d’Ali Bongo.

A vrai dire, elle n’a le choix qu’entre deux types de réponses : une juridique et l’autre politique. La première devra répondre de l’authenticité de l’acte de naissance présenté par Ali Bongo dans son dossier de candidature, étant donné que depuis l’éclatement des soupçons sur sa filiation, ce dernier a produit plusieurs actes de naissances différents et qui contiennent tous des éléments troublants, tant sur la forme que le fond. Il avait ainsi produit en 2009 pour sa première candidature un acte de naissance établi quelques semaines plus tôt par la marie du 3e arrondissement de Libreville, détenue par un fidèle et dans lequel son père s’appelait Omar Bongo. Ce qui n’était matériellement pas possible pour celui qui en 1959, année de naissance d’Ali, s’appelait encore Albert Bernard Bongo, avant sa conversion à l’Islam dans les années 70. Il avait en outre publié dans le journal français “le Monde”, un autre acte de naissance écrit cette fois à la main, qui aurait été retrouvé par hasard dans un cantine familiale, mais qui ne respectait par les formes et entêtes habituelles des actes d’état civil délivrées à Brazzaville, où il est serait né, y compris en 1959.

Autre piste, la commission pourrait aussi se déclarer incompétente pour décider de l’authenticité de la pièce et en référer aux juridictions gabonaises. Mais là, une réponse est déjà venue la semaine dernière, de la Présidente de la Cour constitutionnelle elle-même. La fidèle Marie Madeleine Mborantsouo a redit sur Radio France Internationale (RFI), que c’est la CENAP qui valide les candidatures et la Cour les élections. Mais même si elle parvenait à saisir un tribunal et peu importe la décision que juridiction rendrait, elle ferait automatiquement l’objet d’un recours  déposé par la partie qui s’estimerait lésée. Or, Ali Bongo a nommé le 27 Juin 2016 à la tête de la cour d’appel de Libreville, une de ses fidèles, Paulette Ayo Mba, fille de du premier président du Gabon, qui avait par ailleurs participé  à une opération médiatique de témoignages affirmant avoir toujours connu Ali lorsqu’elle vivait avec son père au Palais présidentielles aux débuts des années 1960.

Il reste par ailleurs à la CENAP, l’option politique. Elle pourra dire qu’en dépit des soupçons possibles ou des irréguliers vraisemblables, l’acte de naissance présenté est authentique et que par conséquent, la candidature de celui qui exerce déjà la fonction et veut simplement proroger son bail est valide. Dans ce contexte, elle se mettra à dos, non seulement l’opposition, mais aussi une partie de la population, qui privé de tout moyens légaux ne pourra en venir pour exprimer son mécontentement que de ronger son frein ou de s’attaquer physiquement à l’institution. Mais dans son « bunker » de la Cité de la démocratie, elle n’a rien à craindre. Face à une mécanique aussi  intelligemment et bien verrouillée, le bras de fer entre Ali et ses opposants vient en réalité de commencer, avant la tenue du vote le 27 août prochain.