Présidentielle au Gabon : Un fichier électoral taillé sur mesure

Présidentielles au Gabon : Un fichier électoral taillé sur mesure
Les principaux candidats à l’élection présidentielle gabonaise de 2016

Selon un analyste gabonais, le fichier électoral qui doit servir de base à l’élection du 27 août prochain présente des « curiosités » et des « atypicités » qui devraient ouvrir « la voie à un report de l’élection présidentielle a minima ou à une contestation du processus électoral »

Par Diophante Tomo

« De quarante trois habitants, on se retrouve avec 946 électeurs, soit plus de vingt deux fois plus d’électeurs que d’habitants », cite pour l’exemple sur BBC Afrique, Mays Mouissi, analyste gabonais, qui a comparé les chiffres du recensement général de la population de 2013, publiés cette année par le Ministère l’intérieur, avec le fichier électoral gabonais établi par ce même ministère. Et d’après son analyse, la localité de Ndzomoé, située dans la province de l’Estuaire, puisque c’est d’elle dont il s’agit, ne serait pas la seule frappée par cette hyper inflation du nombre de ses électeurs : 58 autres seraient dans le même cas, avec des ratios compris entre 80 et 100% de gonflement pour 18 d’entre elles.

Dans son étude, il relève également que si aucune des neuf provinces du pays n’est épargnée par le phénomène, c’est en revanche dans le sud du pays, notamment dans la province du Haut-Ogooué, où est originaire la famille Bongo que le phénomène serait le plus excessif. Sur les 18 communes où les chiffres atteignent des sommets, 8 sont situées dans cette seule province, avec des inscriptions sur les listes électorales flirtant avec les 98% de la population, alors que bien entendu, il n’y a pas que des personnes de nationalité gabonaise et en âge de voter qui vivent dans ces communes.

L’analyste s’étonne par ailleurs, qu’aucune des institutions censées garantir la sincérité du scrutin ne s’interroge sur ces anomalies à grande échelle, en particulier la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP) et le Ministère de l’intérieur gabonais, qui toutes les deux sont acquises au pouvoir et sont logées dans le même bâtiment. «  Comment ses commissions d’enrôlement et de révision (celles du ministère de l’intérieur) sont-elles parvenues à inscrire sur la liste électorale plus d’électeurs qu’il n’y a d’habitants et cela des milliers de fois dans plusieurs dizaines de localités ? » s’interroge Mays Mouissi, alors que le procédé biométrique mis en place par la société Gemalto, qui se présente comme le leader mondial de la sécurité numérique devait permettre de fiabiliser le fichier électoral.

De son point de vue, « l’ampleur et la généralisation du phénomène », ressemble fort à un « système organisé », avec « à minima 34% des 226 arrondissements et cantons repartis sur le territoire et devant accueillir le scrutin ont un nombre d’électeurs inscrits hors norme et irrégulier ». Si gonflement artificiel et intentionnel il y a, cela ne peut que servir les intérêts d’un camp ou d’un candidat aux élections, conclut-il car « de fait, 59 localités dont le poids démographique n’est que de 2.17% pèsent artificiellement 11% de la population électorale du Gabon et sont en capacité de faire remporter n’importe quelle élection au candidat qui dispose de la maitrise du fichier électoral », explique-t-il sur son blog où cette analyse très détaillée a été publiée.