Deux gendarmes ont été abattus à en zone anglophone mardi, au lendemain de la mort d’un autre gendarme tué dans une localité proche de cette ville, marquant une nouvelle escalade dans la crise anglophone au Cameroun.
Par Reinnier Kaze
Il s’agit des premières victimes du côté des forces de l’ordre. Aucune de ces attaques n’a été revendiquée, mais pour le porte-parole du gouvernement camerounais Issa Tchiroma Bakary, les gendarmes ont été tués par des sécessionnistes anglophones.
Depuis fin 2016, deux régions anglophone au nord-ouest et au sud-ouest du Cameroun, sont en proie à des tensions et des contestations, la minorité anglophone s’estimant marginalisée. Certains leaders anglophones réclamaient alors le fédéralisme, d’autre la partition du pays.
La crise avait jusqu’alors atteint un point culminant après la proclamation symbolique de l’indépendance de l'”Ambazonie” le 1er octobre par son “président”, Sisiku Ayuk.
Au moins quatorze personnes ont été tuées dans les violences en marge des manifestations autour de cette proclamation symbolique, selon un bilan établi par l’AFP, ainsi que cinq prisonniers qui tentaient de s’évader. Des ONG locales évoquent des bilans bien plus lourds.
– Radicalisation –
La mort des trois gendarmes en ce début de semaine fait suite à des tensions persistantes en zone anglophone avec une radicalisation du message de certains leaders anglophones. Ils veulent désormais une partition du pays et appellent à la résistance.
Depuis l’étranger, les porte-voix du sécessionnisme ont appelé les populations de ces régions à former des groupes d’auto-défense pour combattre la “force d’occupation”, en référence aux milliers d’hommes déployés par les autorités.
Ils ont aussi appelé à la poursuite des journées villes mortes, généralement les lundis, dans ces zones.
Les populations adhèrent généralement, certains commerçants le faisant par peur de voir leurs établissements brûlés.
Plusieurs commerces, ainsi que des écoles et des domiciles, ont ainsi été incendiés ces dernières semaines, les autorités attribuant généralement ces actes aux séparatistes.
Mi-octobre, la maison d’un député anglophone, Bernard Forju, a été brûlée par des manifestants opposés à la venue en zones anglophones d’émissaires du gouvernement.
Le 28 octobre, la résidence familiale de l’avocat Felix Agbor Nghongo, l’un des leaders de la minorité anglophone, a été aussi incendiée à Manfé (sud-ouest), peu après son appel à la reprise de l’école.
Opposé depuis le début de la crise à la sécession et partisan du fédéralisme, M. Agbor Nghongo – poursuivi pour “terrorisme” puis libéré en août par décret présidentiel – est désormais qualifié de “traitre” par les séparatistes qui ont annoncé son exclusion de la Cameroon anglophone civil society consortium (Cacsc).
Bien qu’interdite en janvier, cette organisation mène ses activités depuis l’étranger et défend désormais la sécession alors qu’elle militait à ses débuts pour le fédéralisme.
– Répression et dialogue –
Le gouvernement a pourtant joué à plusieurs reprises les cartes de la répression et de l’apaisement, sans succès selon des analystes qui appellent à une médiation internationale et craignent une “insurrection armée”.
Après une coupure de trois mois d’internet en zones anglophones, Yaoundé avait décidé en avril de rétablir la connexion.
De même, Paul Biya a décrété fin août l’arrêt des poursuite contre plusieurs leaders anglophones jugés par un tribunal militaire de Yaoundé après les violences de décembre 2016.
En octobre, après les violences autour de la proclamation symbolique de l’indépendance de l'”Ambazonie”, des émissaires du gouvernement, dont le premier ministre, Philemon Yang, sont descendus dans les deux régions pour dialoguer avec les populations.
Dans un rapport publié le 19 octobre, le centre d’analyse International crisis group (ICG) avait appelé le président camerounais Paul Biya à “prendre ses responsabilités” et “agir vite” dans les zones anglophones.
Le groupe de réflexion demandait aussi aux partenaires internationaux du Cameroun, “jusqu’ici passifs, voire complaisants vis-à-vis du régime”, d’exiger “l’ouverture d’un dialogue inclusif sur la décentralisation et le fédéralisme”.
“L’aggravation de la crise (…) requiert désormais l’intervention d’un médiateur crédible”, comme l’ONU ou l’Union africaine, avait suggéré l’organisation.
Dans son rapport de mi-octobre, l’ICG estimait que “du fait de cette répression meurtrière (par les forces de l’ordre), les rangs des sécessionnistes augmentent de jour en jour, et certains d’entre eux évoquent plus résolument l’idée d’une lutte armée ou de l’+autodéfense+”.
Il y a risque “d’insurrection armée” dans les régions anglophones, estimait alors l’ICG que le gouvernement camerounais a accusé de “déstabilisation” du pays.
Souce: AFP