La Côte d’Ivoire sous tension dans l’attente du résultat de la présidentielle

Des policiers anti-émeute dispersent des manifestants en utilisant du gaz lacrymogène, à Abidjan, le 31 octobre 2020. (ISSOUF SANOGO / AFP)

Les Ivoiriens sont suspendus lundi à l’annonce des résultats du premier tour de la présidentielle ivoirienne après un scrutin boycotté par l’opposition et émaillé de violences qui ont fait au moins cinq morts.

Par David ESNAULT / Patrick FORT/ Rédaction

La commission électorale, qui a annoncé dimanche les résultats de 20 départements, sur les 108 que compte le pays, doit reprendre lundi après-midi ses annonces en direct à la télévision nationale. L’heure de l’annonce du résultat final n’est pas connue.

Sans réel adversaire en raison du boycott de l’opposition qui juge un troisième mandat “anticonstitutionnel”, le président Ouattara devrait s’imposer par un score écrasant, notamment dans le nord du pays qui lui est traditionnellement acquis. Ainsi, selon les premiers résultats, le chef de l’Etat a obtenu 98% des voix à Korhogo, la capitale du Nord, avec 88% de participation.

Après les violences sur le terrain le jour du vote, samedi, le ton est monté entre les deux camps.

L’opposition a appelé dimanche à une “transition civile” et “à la mobilisation générale des Ivoiriens pour faire barrage à la dictature et à la forfaiture du président sortant”.

Mais le parti au pouvoir a riposté en mettant en garde l’opposition contre “toute tentative de déstabilisation”.

Le bilan exact des violences qui ont été nombreuses dans la moitié sud du pays lors de l’élection samedi était difficile à établir. Au moins 5 personnes sont mortes dans le sud du pays, selon un décompte de l’AFP.

Selon des sources locales interrogées par l’AFP, il y a eu trois morts à Téhiri, un village situé près de Gagnoa (270 km au nord-ouest d’Abidjan), fief de l’ancien président Laurent Gbagbo, lors d’affrontements entre ethnies locales et Dioulas originaires du Nord, réputés pro-Ouattara, un à Oumé (260 km au nord-ouest d’Abidjan, près de Gagnoa aussi) et au moins un à Tiébissou (centre).

Le maire de Tiébissou, Germain N’Dri Koffi, a quant à lui fait état d’un bilan de “quatre morts et 27 blessés” dans sa commune.

– “Peur dans les deux camps” –

A Toumodi (centre), les différends politiques ont dégénéré en violences ethniques entre populations locales baoulés considérés comme proches de l’opposition et Dioulas réputés favorables au pouvoir.

Des habitants joints par l’AFP parlent de plusieurs maisons brûlées et de “morts” dimanche.

A Daoukro (centre), fief du chef de l’opposition, l’ex-président Henri Konan Bédié, des barricades occupaient toujours la voie publique, selon un journaliste de l’AFP.

“Nous sommes sur le qui-vive dans l’attente des résultats”, a déclaré Général Aimé, un responsable local de l’opposition.

“La peur est présente dans les deux camps (entre les communautés baoulé et malinké, ndlr). Actuellement une réunion de crise se tient à la gendarmerie pour éviter la confrontation”, a indiqué Kassoum Touré, un responsable local du parti au pouvoir.

Lundi à Abidjan, l’activité a timidement repris dans les communes de Cocody, Koumassi, Treichville, Adjamé et au Plateau, selon un journaliste de l’AFP et des habitants.

En revanche on constatait très peu d’activité à Yopougon, la grande commune populaire réputée favorable à l’opposition, où beaucoup de commerces restaient fermés.

Selon le Programme Indigo, une ONG qui avait déployé près de 900 observateurs, “23% des bureaux de vote sont restés fermés toute la journée”.

“Un nombre important de villes et de villages ont été le théâtre de confrontations violentes”, a noté Arsène Konan, coordinateur du programme, s’inquiétant du “basculement de la violence sur le terrain communautaire”.

Avant le scrutin, une trentaine de personnes étaient mortes dans des violences depuis l’annonce en août de la candidature du président Ouattara à un troisième mandat.

Des milliers d’Ivoiriens avaient quitté les grandes villes pour “aller au village”, anticipant des troubles, dix ans après la crise qui avait suivi la présidentielle de 2010, faisant 3.000 morts, à la suite du refus du président Laurent Gbagbo, qui était au pouvoir depuis 2000, de reconnaître sa défaite face à M. Ouattara.

Ces événements en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, fait font craindre une nouvelle crise dans une région éprouvée par des attaques jihadistes au Sahel, un putsch au Mali, une élection contestée en Guinée et une contestation politique chez le géant voisin nigérian.