Après des années de bataille du Vanuatu et de jeunes du Pacifique, en première ligne face aux conséquences du réchauffement, l’Assemblée générale de l’ONU devrait adopter mercredi une résolution “historique” visant à faire clarifier par la justice les “obligations” des Etats en matière d’action climatique.
Par Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS
L’Assemblée générale devrait ainsi demander l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur le rôle des Etats dans la lutte contre le réchauffement climatique, “défi sans précédent de portée civilisationnelle”.
“Je serai fou de joie”, a déclaré mardi à l’AFP le Premier ministre du Vanuatu, Ishmael Kalsakau, qui s’attend à ce que le futur avis de la CIJ donne une nouvelle impulsion à l’action climatique mondiale.
“Les dirigeants doivent réagir, et réagir très vite”, parce que “le changement climatique est sur le chemin de l’Apocalypse”, a ajouté le dirigeant dont l’archipel vient d’être ravagé par deux puissants cyclones en quelques jours.
Le gouvernement vanuatais a lancé cette “initiative historique” en 2021, après une campagne initiée par des étudiants d’une université des Fidji deux ans plus tôt.
La résolution, co-sponsorisée par quelque 120 Etats, demande à la CIJ d’apporter son éclairage sur les “obligations qui incombent aux Etats” dans la protection du système climatique, “pour les générations présentes et futures”.
Il y a une semaine, les experts climat de l’ONU (Giec) ont encore averti que le réchauffement devrait atteindre dès 2030-2035 le seuil de +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle, objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris. Un rappel brutal de l’urgence à agir radicalement durant cette décennie pour assurer un “futur vivable” à l’humanité.
Alors que les engagements nationaux des Etats à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de l’Accord de Paris ne sont pas contraignants, la résolution examinée mercredi fait référence à d’autres instruments, comme la déclaration universelle des droits de l’Homme ou la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
Même si les avis de la CIJ ne sont pas contraignants, ils portent un poids légal et moral important, souvent pris en compte par les tribunaux nationaux.
– “Plus grand que nos peurs” –
Le Vanuatu et ses soutiens espèrent donc que le futur avis, attendu d’ici environ deux ans, encouragera les gouvernements à accélérer leur action, par eux-mêmes ou via les recours judiciaires contre les Etats qui se multiplient à travers le monde.
“Ce sera un important outil pour que les Etats rendent des comptes”, a assuré à l’AFP Harjeet Singh, du réseau d’ONG Climate Action Network, saluant par avance “un des plus grands succès de la diplomatie climatique récente”.
Son enthousiasme ne fait toutefois pas l’unanimité.
“Je ne vois pas ce que la Cour pourrait dire d’utile. Par contre, je vois des scénarios où cette requête serait contre-productive”, a déclaré à l’AFP Benoît Mayer, spécialiste de droit international à l’Université chinoise de Hong Kong. Il évoque même un risque de “scénario catastrophe”, avec un avis de la CIJ “clair et précis mais contraire à ce que désiraient les tenants de la requête”.
Autre inconnue, la position sur la résolution des deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, la Chine et les Etats-Unis.
Les Américains avaient obtenu, lors des négociations de l’accord de Paris, une clause précisant que le texte “ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation”. Une question cruciale dans le débat sur les “pertes et dommages” et leurs financements, revendication centrale des pays les plus pauvres, les moins responsables du réchauffement.
La résolution fait d’ailleurs référence aux “actions” d’Etats responsables du réchauffement et à leurs “obligations” envers les petits Etats insulaires ainsi que les peuples d’aujourd’hui et de demain.
Cette session “sera un test pour les Etats, pour montrer (…) de quel côté de l’Histoire ils sont”, a commenté Nikki Reisch, du Centre pour le droit environnemental international.
Et un grand moment d’émotion pour les jeunes du Pacifique à l’origine de l’initiative.
“C’était une opportunité de faire quelque chose de plus grand que nous, plus grand que nos peurs, d’important pour les générations futures”, a expliqué Cynthia Houniuhi, aujourd’hui présidente de l’ONG Pacific Islands Students Fighting Climate Change.
“Je veux pouvoir montrer une photo de mon île à mon enfant un jour”, a lancé la jeune femme originaire des îles Salomon.
Source: AFP