Stratégies Croisées : la fragile symphonie géopolitique Moscou–Delhi–Washington

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Dans un monde de plus en plus multipolaire, les grandes puissances réajustent leurs partenariats stratégiques. Au cœur de cette redéfinition géopolitique, un triangle inattendu attire l’attention : la Russie, l’Inde et les États-Unis. Entre rivalités, coopération pragmatique et équilibres fragiles, les relations trilatérales évoluent rapidement à la lumière des derniers développements internationaux.

Par Irene Herman

Historiquement proche de la Russie depuis l’époque soviétique, l’Inde a, ces dernières années, renforcé ses liens avec les États-Unis, notamment dans le domaine de la défense, de la technologie et du commerce.

-Inde : entre équilibre et affirmation-

La visite du Premier ministre indien à Moscou en juillet 2025 a toutefois surpris certains observateurs. Signant plusieurs accords énergétiques et militaires, l’Inde confirme sa stratégie de diversification de partenaires dans un contexte de tensions sino-indiennes persistantes.

En parallèle, les exercices militaires conjoints entre l’Inde et les États-Unis dans l’océan Indien en juin 2025 ont mis en lumière une convergence sécuritaire face à la montée en puissance chinoise dans la région Indo-Pacifique.

-Russie : se tourner vers l’Est et le Sud-

Isolée par les sanctions occidentales renforcées après l’intensification du conflit en Ukraine début 2025, la Russie cherche à consolider ses alliances en Asie. L’Inde représente pour Moscou un partenaire stratégique incontournable, tant pour son marché que pour ses capacités diplomatiques. Le Kremlin voit aussi en New Delhi un contrepoids face à une Chine de plus en plus dominatrice, bien que les deux pays soient membres des BRICS.

Paradoxalement, la Russie multiplie aussi les canaux de communication avec Washington sur des sujets précis, notamment la lutte contre le terrorisme et la non-prolifération nucléaire. Une série de rencontres informelles aurait eu lieu à Genève en juillet, selon des sources diplomatiques.

-États-Unis : contenir la Chine sans perdre l’Inde-

Pour Washington, le partenariat avec l’Inde reste central dans sa stratégie de containment face à Pékin. L’administration américaine a d’ailleurs salué la récente décision de l’Inde d’adhérer au Pacte de cybersécurité du Quad+, une initiative dirigée par les États-Unis, incluant également le Japon, l’Australie et la Corée du Sud.

Toutefois, la Maison Blanche surveille de près les liens grandissants entre New Delhi et Moscou, notamment en matière d’importation de pétrole russe à prix préférentiels et d’achat de systèmes de défense avancés.

-Vers un équilibre instable mais nécessaire-

La coopération Russie-Inde-Amérique n’est ni formalisée ni exempte de contradictions, mais elle reflète un monde où les alliances sont de plus en plus flexibles, parfois circonstancielles. Pour l’Inde, cette triangulation est une stratégie d’autonomie stratégique. Pour la Russie, c’est une bouée diplomatique. Pour les États-Unis, c’est un défi à gérer avec finesse.

À l’ère de la fragmentation de l’ordre international, la coopération trilatérale entre ces trois géants ne repose pas sur des valeurs communes, mais sur des intérêts mouvants. Reste à savoir combien de temps cet équilibre instable pourra perdurer.