Braver indifférence, méfiance et mauvais temps pour convaincre les derniers indécis: à Coplay, dans l’Etat clé de Pennsylvanie, des militantes démocrates frappent frénétiquement aux portes des électeurs en ces derniers jours de campagne, anxieuses malgré les sondages favorables à Joe Biden.
Par Peter HUTCHISON
“C’est le moment crucial. On fait tout ce qu’on peut”, dit Juniper Leifer qui, avec ses amies Heather Lipkin et Jamie Saye, frappe aux portes des maisons sans prétention de Coplay, à 100 km au nord de Philadelphie, sous une pluie battante.
Dans cet Etat qui peut faire basculer l’élection, où Donald Trump l’a emporté sur Hillary Clinton par 44.000 voix à peine en 2016, Coplay et la vallée de la Lehigh – vieille région industrielle – sont eux aussi imprévisibles. Les deux comtés de la vallée, Lehigh et Northampton, ont respectivement soutenu Clinton et Trump, à chaque fois d’un cheveu.
“Nous sommes partagés à peu près également entre démocrates et républicains,” explique Heather Lipkin, 47 ans. “Ca tient à un fil, donc chaque vote compte.”
Tant républicains que démocrates ont ciblé cette région, où aciéries et cimenteries abandonnées marquent encore le paysage. Donald Trump était dans le coin lundi, et le mari de Kamala Harris, colistière de Joe Biden, mercredi.
Badges “Biden-Harris 2020” épinglés à la poitrine, dûment masquées, Mmes Leifer, Lipkin et Saye vont d’une maison à l’autre, armées d’une liste de 97 portes auxquelles frapper, comportant les noms de leurs occupants, leur âge et leur parti d’affiliation – quand ils en ont un.
– Peur du virus –
Au début de leur tournée, un électeur marqué “indépendant” dit vouloir voter Biden, leur mettant du baume au coeur. Mais leur moral prend un coup lorsqu’elles tombent sur des pro-Trump.
“Il a fait un super boulot sur l’économie, la croissance explosait avant le coronavirus”, leur dit Mark Hartman, 40 ans, furieux contre le gouverneur démocrate de Pennsylvanie, qui l’a contraint à fermer son bar au pic de la pandémie.
Christine Vargas, 28 ans, votera, elle, pour Jo Jorgensen, candidat du petit parti libertaire.
“Trump et Biden sont horribles tous les deux”, dit-elle.
Suivent deux habitants qui affirment qu’ils n’iront pas voter.
“C’est ça le plus décevant”, soupire Mme Leifer.
En cette année de pandémie, le rituel du porte-à-porte électoral a pris du plomb dans l’aile, surtout chez les démocrates, qui ont préféré concentrer leurs efforts sur les appels téléphoniques aux électeurs – réputés moins efficaces.
Quand elles ont affaire à un électeur de plus de 70 ans, les trois amies préfèrent laisser leurs brochures devant la porte plutôt que de les mettre en danger.
“Beaucoup de gens n’ouvrent pas leur porte à cause du Covid,” dit Mme Lipkin. “On n’arrive pas souvent à leur parler, mais on s’active quand même”.
– “Prudemment optimiste” –
Priorité de ces trois militantes bénévoles: s’assurer que les électeurs démocrates iront aux urnes, en vérifiant qu’ils savent où et comment voter, au milieu d’informations parfois confuses sur le vote anticipé, qui peut se faire en personne ou par courrier.
Mais elles tentent aussi de rallier des électeurs qui ont choisi Trump en 2016 par antipathie pour Hillary Clinton. Elles espèrent que Biden, qui a passé une partie de son enfance à Scranton, non loin de Coplay, pourra ramener à lui les ouvriers blancs de la région.
“On essaie de convaincre les gens qui semblent des républicains modérés”, dit Mme Saye.
Donald Trump est arrivé à la Maison Blanche en emportant l’adhésion de nombreux indécis dans les Etats clé de Pennsylvanie, du Wisconsin et du Michigan.
Mais cette année, “il y a moins d’électeurs indécis qu’il y a quatre ans, et la probabilité que ce groupe bascule en force pour le président semble plus faible”, dit Christopher Borick, professeur de sciences politiques à l’université Muhlenberg College d’Allentown.
Non loin de là, Wyatt Monte Paden, un responsable local du parti républicain, se dit néanmoins confiant qu’une “majorité silencieuse” – qui refuse d’avouer qu’elle soutient Trump – réélira le milliardaire.
“Nous sommes dans une région ouvrière. Depuis longtemps, les gens se sentent abandonnés par les responsables politiques. Trump est le premier à s’adresser à eux”, dit-il.
Les derniers sondages donnent à Biden une avance de plusieurs points, en Pennsylvanie comme au niveau national, mais les trois amies ne veulent surtout pas considérer la partie gagnée.
“Je suis prudemment optimiste,” dit Mme Lipkin. “Mais je fais du porte-à-porte comme si on était donnés perdants”.
Source: AFP