Des centaines de partisans de l’opposition malgache ont à nouveau défié lundi le président du pays Hery Rajaonarimampianina en manifestant dans la capitale Antananarivo pour dénoncer la répression meurtrière du rassemblement antigouvernemental de samedi.
Par Tsiresena MANJAKAHERY
Comme la veille, militaires et policiers en armes ont interdit dès les premières heures du jour les accès à la place du 13 mai aux protestataires, avant de se retirer en fin de matinée.
“C’est pour éviter les affrontements violents, qui pourraient entraîner des grands dommages entre Malgaches, que nous avons choisi de quitter la place que nous avons protégée”, a expliqué le ministre de la Défense, le général Beni Xavier Rasolofonirina, lors d’une conférence de presse.
Il a toutefois prévenu que “les forces de l’ordre n’accepteront jamais une institution étatique instaurée en dehors d’une élection, parce que c’est ce qui est conforme à la constitution”.
“On vous autorise à entrer, mais vous êtes responsables des débordements”, a lancé aux manifestants un officier de gendarmerie, le lieutenant-colonel Jean Elysée Annissé Randrianarivelo. “Si un incident se produit, on va prendre les mesures nécessaires”, a-t-il ajouté.
“On était calme lorsque vous n’y étiez pas”, lui a rétorqué un des organisateurs de la marche, le député Roberto Tinoka.
Dans le calme, ses partisans ont alors pris le contrôle de la place – théâtre de toutes les grandes manifestations politiques de l’histoire récente de Madagascar – pour y honorer la mémoire des victimes des violences de samedi.
Ce jour-là, un rassemblement d’un millier de partisans de l’opposition, interdit par les autorités, a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre.
Selon un bilan provisoire de source hospitalière, ce face-à-face a fait deux morts et 16 blessés dans les rangs des manifestants.
Les organisateurs du rassemblement de samedi sur la place du 13 mai, qui accusent les forces de l’ordre d’avoir ouvert le feu à balles réelles sur leurs troupes, évoquent elles un bilan de cinq morts.
A sept mois du premier tour des élections générales, les adversaires du gouvernement du président Hery Rajaonarimampianina l’accusent de vouloir les faire taire. Ils dénoncent notamment l’adoption récente de nouvelles lois électorales qui, selon eux, visent à favoriser le pouvoir.
De retour d’un bref séjour hors de la Grande Ile, le chef de l’Etat a dénoncé dimanche soir un “coup d’Etat”.
– ‘Appel au calme’ –
Lors d’une allocution à la télévision et sur les réseaux sociaux, il a appelé “tous les Malgaches au calme”. Mais il a aussi mis en garde “les fauteurs de trouble et ceux qui incitent à la haine et aux affrontements, en quête d’un bain de sang ou de perte en vie humaine”.
L’un des principaux chefs de l’opposition, l’ancien président Andry Rajoelina, devait s’exprimer devant la presse lundi.
Semblant se démarquer de la fermeté affichée par le président, le préfet d’Antananarivo, Angelo Ravelonarivo, a fait savoir lundi matin qu’il n’interdirait plus la place du 13 mai aux manifestants.
“Depuis dimanche, je ne suis plus saisi que d’une réquisition anti-pillage et non plus anti-manifestation. Tout le monde est maintenant libre de rentrer et sortir du parvis de l’hôtel de ville”, a déclaré le préfet.
Dimanche déjà, les forces de l’ordre s’étaient déployées autour de la place du 13 mai avant d’y laisser pénétrer une centaine de manifestants de l’opposition, sans incident.
Après les violences de samedi, l’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA) ont appelé les acteurs politiques malgaches au “calme” et à la “retenue”.
Depuis plusieurs semaines, les tensions politiques sont très vives sur la Grande Ile, où l’opposition accuse le régime du président Rajaonarimampianina de vouloir la museler, à sept mois des élections présidentielle et législatives.
Elu en 2013, le président Rajaonarimampianina n’a pas encore annoncé s’il allait briguer un second mandat.
En revanche, deux anciens chefs de l’Etat ont déjà laissé entendre qu’ils se présenteraient : Marc Ravalomanana, président de 2002 à 2009, et Andry Rajoelina, au pouvoir de 2009 à 2014.
Tous les deux avaient été interdits de candidature en 2013.
M. Ravalomanana a été renversé en 2009 après une mutinerie de l’armée qui avait permis à M. Rajoelina, alors maire de la capitale, de devenir président non élu d’une transition jusqu’en 2014.
L’arrivée au pouvoir de M. Rajaonarimampianina a mis un terme aux crises politiques à répétition dans la Grande Ile.
Avec l’AFP