L’ancien président du Nigeria Olusegun Obasanjo a ouvert la voie aux critiques, en écrivant mi-janvier une tribune lapidaire contre l’actuel chef d’Etat, Muhammadu Buhari. Ibrahim Babangida, autre ex-président, lui a emboîté le pas, alors que la course pour la prochaine élection semble déjà lancée.
“Il y a des moments dans la vie où l’intérêt de la nation doit prendre le pas sur les ambitions personnelles”, a écrit dimanche dans un communiqué Babangida, surnommé IBB.
Il a conseillé au président Buhari qu’il a décrit comme “datant de l’ère analogique”, de laisser la place à un dirigeant “numérique”.
Le général Babangida avait pris la tête du Nigeria en 1985 par un coup d’Etat non-violent, pour déloger… Muhammadu Buhari, lui-même parvenu au pouvoir par un putsch militaire. Homme d’Etat respecté, IBB avait du quitter le pouvoir en 1993, sous la pression de la rue.
Ce communiqué est un signe clair de ralliement à Obasanjo, qui a décidé de créer un “mouvement” contestataire, “la coalition pour le Nigeria”, qui pourrait se transformer en parti politique d’ici la prochaine présidentielle, prévue en février 2019.
Dans sa longue tribune publiée dans la presse locale, l’ex-président Obasanjo a demandé à Buhari de “considérer le repos” plutôt qu’un second mandat, alors que des voix s’élèvent déjà pour apporter un soutien à une future candidature du chef de l’Etat, âgé de 75 ans.
Bien que les principaux partis n’ont pas encore désigné leur candidat pour l’élection suprême, la course à la présidentielle (et aux primaires) semble déjà avoir commencé.
Le président nigérian, qui a pourtant passé l’essentiel de l’année dernière à Londres où il était soigné pour une maladie gardée secrète par son entourage, est pour l’instant vu comme le candidat le plus probable, pour représenter le parti au pouvoir, l’APC (All Progressive Congress).
Mais au sein-même de ce parti, Buhari déçoit, notamment en raison de son favoritisme affiché pour ses proches issus du Nord musulman, tout comme lui, à la tête des postes clés.
Pour le politologue Chris Ngwodo, ces deux critiques, venant d’ancien hommes d’Etat qui pèsent sur la scène politique nigériane, indique clairement que la contestation grandit contre le président Buhari.
– Chômage et insurrection –
Ancien dirigeant militaire, considéré comme austère et sévère, Buhari a marqué l’histoire du pays en remportant le scrutin de 2015, première année où l’opposition renversait par les urnes le pouvoir en place.
Son discours anti-corruption avait notamment séduit une jeunesse éduquée et réussit à effacer – au moins dans les centres urbains – les oppositions historiques entre le nord musulman et le sud chrétien.
“Le consensus qui a porté Buhari au pouvoir et l’avait rendu populaire est en train de s’effondrer”, souligne Chris Ngwodo. “S’il décide de se présenter, il va faire face à d’énormes obstacles. Ce ne sera pas une course facile”.
Le Nigeria a traversé la “pire récession de son histoire”, selon les termes même du président, au lendemain de son élection, et même si l’ancienne première économie d’Afrique semble sortir la tête de l’eau, le pays fait toujours face à de grandes difficultés économiques et à un chômage important.
La situation sécuritaire s’est largement détériorée dans de nombreuses régions, et le groupe jihadiste Boko Haram continue à semer la terreur dans le nord-est.
Le sud chrétien, qui représente environ la moitié des 190 millions d’habitants, reproche également au président Buhari de ne pas intervenir dans le conflit qui oppose les éleveurs peuls musulmans et les agriculteurs chrétiens.
Toutefois, à douze mois de l’échéance présidentielle, le principal parti de l’opposition, le Parti Populaire Démocratique (PDP) apparaît divisé et affaibli par de nombreux procès anti-corruption.
Pour l’instant seuls deux de ses membres, le gouverneur de l’Etat d’Ekiti, Peter Fayose et Atiku Abubakar, l’ancien vice-président d’Obasanjo, se sont déclarés candidats aux primaires.
Thomas Dapo, professeur en sciences politiques à l’Université de Lagos, estime que la situation devrait donc demeurer au statu quo, à moins que la santé du chef de l’Etat n’empire d’ici l’année prochaine.
“Ce n’est pas une mauvaise idée d’appeler des plus jeunes à se présenter et à reprendre les rênes, mais ce n’est pas quelque chose qui se décrète. Il faut du temps pour renouveler la classe politique. Babangida pense comme un militaire, mais nous sommes en démocratie désormais”, rappelle-t-il.
Source: AFP