Le Bénin, ce petit pays de l’Afrique de l’ouest à économie purement fiscale veut s’appuyer sur les secteurs de la culture et du tourisme pour véritablement prendre son envol économique. La culture étant un levier très important du tourisme, les nouvelles autorités du pays ambitionnent lui donner une vraie identité axée sur ces deux secteurs dont, les avantages comparatifs sont mondialement reconnus. C’est à coeur ouvert que le ministre béninois de la culture et du tourisme, Ange N’koue s’est prêté aux questions d’Infostime. L’objectif de la nouvelle dynamique culturelle et touristique du bénin selon le ministre N’koue, est de créer, un impact direct sur le PIB estimé à plus de 500 milliards avec plus de 100.000 emplois créés d’ici à 10 ans.
Par Safiou Tiega
Infostime: La culture et le tourisme sont au premier plan des priorités du Gouvernement béninois. A quoi peut-on s’attendre réellement en termes de réalisations dans les toutes prochaines années au Bénin ?
Ange N’ikoue: Le Gouvernement du Président Patrice TALON est conscient des énormes potentialités du Bénin en matière du tourisme et de la culture. Il a aussi conscience du lien étroit entre la culture et le tourisme partant du fait que la culture est un levier très important du développement touristique.
C’est ce qui justifie l’importance accordée à ces deux secteurs dans le PAG 2016-2021 afin de construire une identité économique propre au Bénin dont les avantages comparatifs dans ces secteurs sont mondialement reconnus et ne demandent qu’à être valorisés.
Cette valorisation se fera notamment à travers de projets phares qui seront mis en œuvre par l’ANPT, puis à travers des projets prioritaires directement mis en œuvre par mon département ministériel.
Au terme de la mise en œuvre de ces projets, le visage touristique du Bénin connaîtra une grande visibilité à travers :
- Des parcs w et pendjari modernes transformés en parcs de référence pour l’Afrique de l’Ouest ;
- La cité lacustre de Ganvié entièrement réinventé avec un environnement assaini et un cadre de vie attrayant aussi bien pour les populations qui y vivent que pour les touristes ;
- La cité d’Abomey réhabilitée avec un attrait touristique important autour des palais royaux et l’histoire des royaumes retracée ;
- L’édification d’un musée international des arts, culture et civilisation vaudoun à Porto-Novo ;
- La création d’une expérience touristique premium autour des habitats « tata » à Boukombé ;
- La construction à l’identique de la cité historique de Ouidah et de la route des esclaves pour permettre aussi bien à la diaspora historique africaine qu’aux autres curieux de vivre un tourisme mémoriel ;
- L’existence et le déroulement de calendriers de festivals culturels aussi bien au plan national qu’à l’international pour permettre aux touristes de se positionner par rapport aux différentes manifestations culturelles du Bénin.
IT: Dans le domaine du tourisme, le PAG prévoit réinventer la cité lacustre de Ganvié, mais elle existe déjà. Est-ce la réinventer ou plutôt améliorer le cadre de vie et le rendre plus attractif ?
AN: La cité lacustre de Ganvié existe déjà. C’est un site historique majeur que le Bénin se propose d’inscrire sur la liste du Patrimoine mondial. C’est aussi un site à forte potentialité touristique qui a connu une reconnaissance et un rayonnement international dans les années 1990, avec une fréquentation significative qui permettait d’entretenir une économie touristique florissante et d’assurer un certain niveau de vie à la population.Mais depuis une vingtaine d’années, avec le développement des maisons en durs (pilotis et murs en béton, toits en tôle) en remplacement des constructions traditionnelles (maison en bois et toits en chaume), la fréquentation du site a commencé à diminuer jusqu’à tomber en état de friche.
C’est pourquoi le Gouvernement béninois a mis en projet d’œuvrer à la réhabilitation du site (habitat, confort de vie, protection environnementale), et de faire de Ganvié un site pilote de mise en valeur d’un tourisme lacustre respectueux de l’authenticité et de l’environnement. C’est le respect de l’authenticité dans la restauration de la cité qui nous amène à utiliser l’expression de : « Réinventer la Cité lacustre de Ganvié » dont l’objectif principal est de réhabiliter Ganvié sur ses bases culturelles et sociales qui perdurent malgré les difficultés et le sentiment d’abandon qui existe aujourd’hui.
Notre travail de reconstruction se fera selon une approche globale basée sur trois axes prioritaires : le social, l’environnemental et l’économique.
IT: La diaspora Africaine, notamment les descendants d’esclaves qui continuent de pratiquer le vaudou avaient une possibilité de connexion avec le Bénin à travers un festival Ouidah 92. Mais qui n’a pas duré. Allez-vous dépoussiérer ce projet ou en créer un autre ? Qu’est ce qui est prévu pour redonner à Ouidah son statut historique ?
AN: En février 1993, le Bénin a organisé le Festival des arts et de la culture vodoun « Ouidah 92 ». Le festival a permis de revitaliser notre héritage religieux identifié au vodoun et de réaliser sa connexion thématique avec l’histoire de l’esclavage.1994, le lancement de l’itinéraire la Route de l’Esclave, sous l’égide de l’Unesco, a parachevé cette tendance où la mise en patrimoine d’un passé perçu comme intangible mais encore « vivant » est associée au renouveau des cultes dits endogènes. Et pour couronner tous ces évènements, le Bénin en 1997, a institutionnalisé au 10 janvier de chaque année, la fête nationale du vodoun
Tout ce détour pour dire l’environnement est déjà en place pour la mise en tourisme des arts et culture vodoun et pour maintenir les liens avec notre diaspora historique.
Il ne sera pas question de répéter l’histoire, mais d’améliorer l’existant pour créer les conditions optimum au développement du tourisme mémoriel et cultuel chez nous au bénin.
Dans cette perspective, le gouvernement a mis place parmi un projet de réhabilitation de la ville de Ouidah pour en faire un pôle majeur de tourisme. La cité sera restaurée en fixant une période de l’histoire qui permet de garder l’authenticité des lieux.
Ce sera aussi l’occasion pour réaménager les sites liés à la pratique de la traite négrière dans la ville de Ouidah et d’en faire un circuit de visite touristique connecté avec la portion de la route des esclaves partant d’Abomey.
IT: Justement, il n’y a pas que Ouidah, il y a aussi Porto-Novo, Nikki, Abomey, Djougou, pour ne citer que celles-là. Qu’est ce qui va réellement changer dans ces villes qui portent toujours l’histoire du Bénin ?
AN: les villes de Ouidah , d’Abomey et de Porto-Novo sont inscrites au niveau des projets phares du Gouvernement. Mais en dehors de ces projets phares il y a les projets prioritaires qui sont inscrits dans le plan de travail annuel au titre de la gestion 2017 du ministère du tourisme et de la culture.
Ces projets prioritaires prennent en compte les autres villes d’histoire. La méthodologie à mettre en place sera la suivante :
- réaliser l’inventaire général du patrimoine culturel dans ces villes ;
- documenter les sites et biens culturels inventoriés ;
- procéder à des aménagements touristiques de ces sites afin de les mettre en tourisme
- réaliser au niveau de ces différentes villes des équipements de confort pour permettre aux touristes de passer plus de temps à la découverte de ces villes d’histoire et de culture.
- En dehors des principaux sites qui feront l’objet des projets phares et des projets prioritaires, tous les autres sites seront répertoriés et valorisés durant le quinquennat. Aucun site ne sera laissé pour compte.
IT: Et dire qu’en terme de besoins financiers, il vous faut environ 685 milliards pour réaliser tout ça, en termes de retombées économiques, quelles sont les estimations ?
AN: L’impact économique direct sur le PIB au terme de 10 ans est estimé à plus de 500 milliards de FCFA et à plus de 100.000 emplois créés.
IT: Monsieur le Ministre, les artistes béninois notamment les musiciens ont du mal à traverser les frontières du pays parce qu’ils ne sont véritablement pas compétitifs au plan international. Quels sont vos projets pour remédier à cette situation ? Le Bénin ne mérite-t-il pas d’avoir enfin un conservatoire digne du nom, une école de musique ou même une grande école des arts (théâtre, peinture, etc) ?
AN: Les artistes béninois ont du potentiel, mais il leur manque souvent un réel accompagnement et une responsabilisation pouvant leur permettre d’exercer convenablement leurs métiers et de s’épanouir en vivant de leur métier.
C’est pourquoi le Gouvernement a entrepris de profondes réformes du Fond d’Aide à la Culture pour en faire un Fond des arts et de la Culture. Ce fond qui a désormais pour vocation de soutenir les grandes manifestations culturelles à caractère national ou international aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Pour ce faire, un bureau de mobilité des artistes sera mis en place pour accompagner les mouvements des artistes à l’extérieur du pays pour leur permettre d’exercer convenablement leur métier.
Par ailleurs, deux projets prioritaires à savoir « le Projet promotion des Talents et renforcement des capacités dans le secteur de la culture » et le projet « Mise en place d’un Fonds de Bonification des crédits des projets culturels », ont été initiés pour accompagner les artistes dans leurs métiers respectifs et leur permettre d’en être compétitifs.
Le projet de Promotion des Talents accompagnera la détection des talents dans les différents corps de métiers, leur formation et leur suivi afin d’en faire des artistes talentueux et compétitifs qui vivent de leur métier.
Le projet de mise en place d’un fonds de bonification accompagnera les artistes dans la formulation de projets culturels viables, prendra en compte les charges financières des crédits qui leur seront octroyés pour les aider à avoir des entreprises culturelles pérennes.