Benin:Epilogues sur «La Rupture». Un petit déballage 2/5

Benin: Epilogues sur « La Rupture » : Un petit déballage
Camille Amouro, Ecrivain
Benin: Epilogues sur « La Rupture » : Un petit déballage
Camille Amouro, Ecrivain

Deux images m’ont frappé pendant la prestation de serment du nouveau président. Monsieur Lionel Zinsou a été ovationné par la foule à son arrivée et le président de l’Assemblée nationale hué par la même foule. Lionel Zinsou n’était donc pas le problème. Et comme si ces images ne suffisaient pas, la suite des événements a indiqué clairement que personne ne lui en voulait. Jusqu’à un mois après la victoire, les réseaux sociaux se sont comportés comme s’il n’avait jamais existé. En revanche, ils ont oublié de lâcher Monsieur Yayi qui n’a pas, lui non plus, compris à temps qu’il était indésirable, insoutenable et foncièrement inintelligent.

Comment peut-on oublier en si peu de temps le grand challenger?

Ici encore, les analystes prompts se sont fourvoyés. D’ailleurs son propre diagnostic de l’échec était faux. Il ne s’agissait nullement d’un problème de communication. Lionel Zinsou a échoué parce que nous ne le connaissions pas et que, comme sa stratégie de campagne l’a prouvé, il ne nous connaissait pas davantage. Il a été mal entouré, mal conseillé et grossièrement dupé. Sur le terrain, il était trop facile de reconnaître ses partisans parmi les jeunes, avec leur apparence de parvenus, leur démarche comme si l’espace ne leur suffisait pas et leur incapacité à prononcer deux phrases qui n’aboutissent pas à une insulte. En un mot, une campagne servant à convaincre le maximum d’électeurs, il s’agissait, à coup sûr, d’individus à ne pas mettre en avant si on veut vraiment gagner. Rien qu’eux auraient suffi à me faire changer d’avis si je m’étais au préalable engagé pour lui. Et c’est ce qui est arrivé dans les contrées où personne ne le connaissant ces gens étaient le seul repère.

Comment en est-on arrivé là ?

La stricte majorité des conseillers communaux étaient FCBE, PRD ou RB, c’est-à-dire l’ensemble des partis qui soutenaient la tentative de hold-up. Or, il s’est produit deux phénomènes défavorables. D’abord, la mauvaise gouvernance des dernières années a affaibli considérablement aussi bien la popularité locale que le pouvoir des conseillers. Ensuite, certains parmi eux ont clairement opté pour d’autres candidats, personne ne les ayant consultés avant de leur imposer Zinsou. Le reste a simplement choisi de ne pas faire campagne soit parce qu’il n’en percevait pas l’enjeu, soit parce qu’ils auraient reçu de l’argent de certains candidats. Conséquence, alors que le pouvoir semait du vent dans les médias, y compris les médias français, il n’avait aucun relai sur place.

Le cas de Boukombé me semble indicateur. Au premier tour, alors que le pouvoir avait totalisé plus de présences de ses leaders que tous les autres candidats réunis, dans l’arrondissement de Boukombé, Talon a dépassé de 100% le deuxième qui n’était pas Zinsou. Tout simplement parce que les conseillers communaux n’ont pas relayé et ne le pouvaient d’ailleurs pas, pour leur propre survie. Entre les deux tours, après avoir fait ce constat, le pouvoir a délégué sa campagne à l’association de femmes la plus impopulaire de la commune. Nouvel échec.

En conclusion, malgré son pacte avec le diable, Monsieur Lionel Zinsou garde intact son capital de sympathie du fait de la lucide reconnaissance de son échec trop éclatant pour être contestable. Il lui reste possible d’apprendre à connaître les Béninois et à se faire connaître par eux, conditions impossibles s’il n’affiche pas clairement une aversion marquée aux conduites et propos de certains voyous qui le revendiquent.