C’est vrai, il y a cette dame, à Boukombé, qui a entraîné son association, à l’insu de celle-ci, à violer la loi électorale, et qui témoigne publiquement en faveur de la fraude. Il y a cette jeune dame à Parakou qui fréquente les Cotonois dans les hotels contre quelques milliers de francs et au même moment méprise les vendeuses qui transportent sur leur tête des kilogrammes d’ignames sur des kilomètres de piste contre quelques centaines de francs. C’est vrai aussi, le fait que cette espèce ne soit pas marginale m’a beaucoup peiné.
Mais il y a eu, fort heureusement, les dames de l’espérance, celles qui ont mis la pression, celles qui ont joué en catimini le rôle déterminant dans cette campagne, que ce soit dans les coulisses, sur les réseaux sociaux ou dans les marchés des communes que j’ai parcourues. Elles sont puissantes, effacées et efficaces. Elles savent flairer ce que vous ne dites pas. Elles ont du savoir, de l’humour et de la sérénité. Elles sont crédibles au regard de leur statut personnel : intellectuelles à jour, marchandes consciencieuses et autres, entrepreneuses progressistes. A la fois sources de mobilisation, créatrices d’idées et conductrices d’images, elles ne se sont pas contentées d’attendre et de voter. Elles ont fait le vote. Elles l’ont préparé, parfois inconsciemment, elles nous ont engagés, parfois sans faire exprès, elles nous ont poussés, chacune avec ses méthodes et son tempérament.
J’observe ceci sans aucun engagement idéologique dans le genre, tout en n’ayant pas toujours résolu la question : pourquoi était-ce si important pour elles ? Vous pouvez me trouver prétentieux, mais je ressens que c’est parce qu’elles nous aiment.
Et pour continuer mon déballage, en ce qui me concerne, cela a commencé depuis cinq ans quand une dame de ce réseau m’a invité à un café au cœur de Cotonou pour m’entretenir de son engagement. Il y a trois ans, une autre, de ce même réseau, m’invita à dîner, en présence, d’un autre ami du réseau et de leurs conjoints respectifs. Elle réfléchissait déjà à une stratégie de rupture et nous en avions discuté tout en faisant connaissance. En début d’année, une conversation similaire regroupa à Akpakpa une dame et un autre ami du même réseau. Il y en a même une que je ne me souviens pas d’avoir déjà vue mais qui a l’air de tellement me connaître qu’une phrase d’elle suffit à me remettre les pieds sur la route. On pourrait en parler des jours durant… Je sais que je ne suis pas seul à être embarqué dans le subtil combat de ces dames.
Je vous ai parlé aussi des phrases nues dans les marchés que j’ai eu le plaisir de vous retransmettre quelquefois depuis trois ans, que ce soit à Ouidah, à Parakou, à Cotonou, à Calavi ou dans l’Atakora. Souvenez-vous de la plus célèbre, au moment où personne ne soupçonnait sa candidature : « Na yᴐlᴐ Talon wa nu we din ». J’ai également rendu compte de comment, à Parakou par exemple, le succès ou l’échec d’un meeting dépendait de la décision des femmes du marché.
Au demeurant, cet engagement des dames me semble troublant dans la mesure où il dessine de façon claire et nette une ligne de démarcation entre l’éthique et la corruption au sens biblique, entre le travail et le gain facile, ente la responsabilité et la gabegie. Et si la véritable question de cette campagne était, en définitive, celle de la morale ?