Benin:Epilogues sur «La Rupture». Un petit déballage 5/5

Benin: Epilogues sur « La Rupture » : Un petit déballage
Camille Amouro, Ecrivain

 

Benin: Epilogues sur « La Rupture » : Un petit déballage
Camille Amouro, Ecrivain

La Rupture est un fait. Elle n’est plus un slogan. Quelque chose a changé déjà en politique et dans la quiétude sociale. Le rapprochement que j’en fais avec le Sénégal et le Burkina, deux autres bantoustans de l’AOF, quoiqu’évident, est à dessein. Il signifie qu’il y a une nouvelle génération d’artistes et d’intellectuels dans ces pays. Ce sont des artistes et intellectuels jeunes, engagés dans leur peuple et lorsqu’ils placent le besoin de justice dans les priorités de leur confort personnel, ils peuvent se retrouver ensemble et changer la politique. Et la solidarité dépasse les frontières de ces bantoustans. Il est vrai que la veille au Sénégal et au Burkina a été beaucoup plus soutenue par les confrères béninois que l’inverse, mais cela n’est qu’un détail passager. Le temps est proche, justement après ces révolutions, pour que les uns et les autres comprennent que la réalité de notre destin commun a barre sur la colonialité des frontières. Pour l’instant, il s’est agi de renverser des pouvoirs incongrus. Mais les fractures demeurent et sont à peu près identiques dans tous nos bantoustans.

 

Revendiquer le Bénin comme une Nation, c’est quelque chose que j’ai personnellement du mal à intégrer. Les gens sont si différents, les pratiques si diverses et parfois si antagoniques ! J’ai visité chaque commune du territoire national plus d’une dizaine de fois pour des études diverses. Pourtant, pendant cette campagne, j’ai eu le sentiment de découvrir un nouveau pays à chaque étape. Les seules constances universelles, c’est la misère mentale, l’indignité, la soumission à l’argent, l’arnaque, l’irrespect des autres (de tous les autres), la paresse et l’incompétence (et non ! ce n’est pas que dans l’administration). Ce n’est pas là, franchement, une identité qu’il me plait de revendiquer.

Les politiques eux, même ceux qui se sont positionnés dans notre combat ne voient la chose qu’en termes d’incantations diverses. Ils parlent de pauvreté alors que nous savons que cette catégorie ne concerne curieusement que les personnes qui travaillent effectivement. Ils parlent d’emploi quand on sait que dans nos communes, au Nord, par exemple, des milliers de jeunes togolais franchissent la frontière pour trouver des emplois dans la même semaine. Pourquoi dans les communes frontalières ceux qui entreprennent un ouvrage préfèrent payer le déplacement à des ouvriers de l’autre côté de la frontière tout en ayant les mêmes spécialités chez eux ? Pourquoi une table fabriquée à Boukombé ne vaut pas une table de Nadoba, cinq kilomètres plus loin ?

Ce que je veux dire, c’est qu’il est peut-être important de considérer cette situation de faits comme un problème et de s’y pencher sérieusement. Et ma conviction est qu’il est impossible que les mêmes personnes qui l’ont générée soient les plus indiquées à la juguler.

Voilà pourquoi je rêve d’une révolution totale où la politique doit servir la morale et non l’inverse. Quand les jeunes et les dames décideront d’une telle révolution, si entre temps j’ai les moyens de réparer ma moto, je reprendrai la route pour eux avec le peu de force qu’il me reste et avec le même désir de fidélité.