Placé en résidence surveillée, Djibrill Bassolé , affaibli par la maladie, se dit déterminé à répondre de ses actes devant la justice.
Depuis le 11 octobre, il a pris ses quartiers dans une villa cossue de Ouaga 2000, le quartier huppé de la capitale burkinabè. Poursuivi par la justice militaire pour « trahison » et « collusion avec une puissance étrangère » dans le cadre de l’enquête sur le coup d’État avorté de mi-septembre 2015, le général de gendarmerie Djibrill Bassolé a été placé en résidence surveillée en raison de problèmes de santé.
Par Nadoun Coulibaly – à Ouagadougou
Autour de cette prison sans barreaux, le pâté de maison est placé sous haute surveillance. A l’entrée, des gendarmes fouillent minutieusement les nombreux visiteurs, conservant momentanément leurs téléphones portables et autres appareils numériques. « Je reçois beaucoup, et je m’organise pour accueillir les gens dans de bonnes conditions. Ça se passe très bien avec les gendarmes », résume Djibrill Bassolé.
Espoirs de remise en liberté effective
Si les conditions de sa détention se sont assouplies, lui-même n’en démord pas.« Il est préférable pour moi d’avoir à m’expliquer devant la justice, mais la liberté est de principe : c’est un droit », assène l’ancien ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré, qui considère sa détention comme arbitraire.
En marge de l’instruction, les avocats de Djibrill Bassolé, 59 ans, ont donc saisi le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire ainsi que le Conseil des droits de l’homme de l’organisation internationale. « Puisque les audiences de confirmation des charges ont débuté, je m’y soumettrai. Mais ensuite, j’introduirai des requêtes pour être autorisé à aller me faire soigner à l’étranger en attendant de comparaître devant la juridiction de jugement », précise-t-il.
Citant sans complexe le cynique prince de Talleyrand, il lance : « On dit toujours de moi ou trop de mal ou trop de bien. Je jouis des honneurs de l’exagération. » Une manière pour lui de rappeler les divisions autour de son placement en liberté provisoire, applaudi par ses partisans et sa famille – qui multipliaient les démarches en ce sens – mais qui a suscité l’ire de la société civile, qui a considéré cette décision comme un scandale et exigé le retour du général en prison.
« Le régime souhaite que je sois privé de ma liberté »
Concernant son dossier judiciaire, Djibrill Bassolé renoue avec l’ambivalence du diplomate qu’il a été. « Cela dure depuis deux ans, mais je ne veux pas donner l’impression que je les provoque [les magistrats, NDLR]. Il n’est pas question pour moi de me soustraire à la justice. »
Mais aussitôt, il lance des piques contre l’exécutif. « Si le ministre [de la Défense] signe un arrêté pour m’assigner à résidence, c’est que le régime souhaite que je sois privé de ma liberté. C’est clair : je suis un prisonnier politique », accuse-t-il.
Lui, qui passe pour être un intime du président Roch Marc Christian Kaboré, assure par ailleurs qu’il n’y a aucun nuage dans ses rapports avec le chef de l’État. « La situation que je vis ne compromet nullement mes relations avec ceux qui sont aux affaires. Nous avons eu des relations de camaraderie et d’amitié », assure Djibrill Bassolé, appelant la classe politique burkinabè post-insurrection à la réconciliation, malgré ses divergences.
Depuis sa résidence surveillée, Djibrill Bassolé ne fait pas mystère de son espoir de revenir sous peu dans le Landerneau politique : « Si j’en ai l’occasion, je travaillerai pour une solution pacifique au Sahel. Car au rythme actuel, si nous privilégions la confrontation armée [avec les jihadistes], les modestes budgets dont nous disposons seront dépensés au dépens du développement social et économique. »
Source: Jeune Afrique