Centrafrique: à Bambari, fragile retour de l’Etat

Un préfet, un procureur, des forces de police: l’Etat fait un timide retour à Bambari la deuxième ville de Centrafrique où les Nations unies ont obtenu il y a quelques semaines le départ d’un chef de guerre.

La restauration de l’Etat et le relèvement de l’économie représentent les deux priorités du président Faustin-Archange Touadéra, qu’il évoquera jeudi pour le premier anniversaire de son mandat à la tête d’un pays ravagé par la guerre et où l’administration a disparu de régions entières, livrées aux exactions de bandes armées.

Dans son minuscule bureau près de la gendarmerie, le procureur de la République de Bambari, Arnaud-Eric Tandjio, annonce l’ouverture d’une enquête sur un massacre de civils dans trois villages à plusieurs dizaines de km de Bambari, dans la préfecture de la Ouaka.

“Beaucoup de personnes ont été tuées dans des conditions barbares et inhumaines. On nous annonce plus de 15 enfants et plus de 100 adultes parmi les victimes”, avance le procureur sur la base des premiers témoignages, dont celui d’un père affirmant avoir perdu ses trois enfants.

Les survivants parlent d’une opération de représailles de la part de l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC) dont le leader Ali Ndarass a été obligé en février de quitter Bambari, où il avait son quartier général non loin de celui de la force de l’ONU (Minusca) et de l’hôtel de ville. Le procureur confirme cette hypothèse.

Comment mener l’enquête sans moyens? Le représentant du parquet n’a pas encore pu se rendre sur les lieux, une semaine après les faits.

La police et la gendarmerie centrafricaines ne s’aventurent pas au-delà du secteur de la ville. Le procureur, qui dépend de la Minusca pour la sécurité de ses déplacements, s’inquiète d’une possible disparition des preuves, à commencer par les corps.

– “Ville sans groupe armé” –

Des forces de gendarmerie et de police patrouillent dans les rues de Bambari avec des Casques bleus depuis quelques jours.

Lundi soir, la patrouille mixte est arrêtée alors qu’elle passe devant l’hôpital. Un homme a tenté de s’introduire à l’intérieur du bâtiment avec dans son sac des uniformes militaires alors qu’officiellement Bambari a été déclaré “ville sans groupe armé, pour la paix, le vivre ensemble et le rétablissement de l’Etat” comme le proclament des affiches placardées sur les murs.

Menotté, l’homme de 28 ans est conduit sous escorte dans un camion de gendarmerie à la brigade. Lors de son interpellation, les gendarmes lui font retirer sa ceinture: pas d’armes, juste un talkie-walkie et un gri-gri.

Le procureur le place en garde à vue, dans des locaux ouverts au tout venant. Il appartiendrait à l’UPC. Enquête ou démonstration de force d’un Etat qui veut à tout prix renaître de ses cendres?

“Les groupes armés ne sont plus dans Bambari mais les hommes armés se promènent encore dans la ville en civil et dans la brousse”, affirme le préfet Mathurin Kanda-Sessé, lui aussi sous la protection de la Minusca.

Autre symbole de l’Etat, la situation de l’enseignement est dramatique: “L’école existe mais il manque des enseignants. Les classes sont bondées (200 élèves) et l’enseignement est de mauvaise qualité”, reconnaît le préfet.

Région centrale, Bambari et la préfecture de la Ouaka sont le théâtre d’affrontements meurtriers entre l’UPC et le FPRC, deux factions rivales de l’ex-séléka.

Pays pauvre de près de cinq millions d’habitants, classé dernier à l’Indice du développement humain (IDH), la Centrafrique peine à se relever du conflit provoqué en 2013 par le renversement de l’ex-président François Bozizé par la rébellion majoritairement musulmane séléka.

Une contre-offensive des groupes anti-Balaka majoritairement chrétiens a provoqué des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. L’intervention de la France et des Casques Bleus ont ensuite ramené un semblant de stabilité dans la capitale Bangui. Et permis début 2016 l’élection du président Touadéra.

Source: AFP