Un accord de paix entre le pouvoir en Centrafrique et les groupes armés qui contrôlent la majorité du territoire national a été signé mercredi à Bangui, relançant l’espoir d’une fin prochaine des violences qui ravagent ce pays depuis 2013.
Par Charles BOUESSEL
La cérémonie de signature s’est déroulée dans une salle de la présidence où avait été installée une grande estrade avec un immense drapeau centrafricain en toile de fond.
Le président centrafricain, Faustin Archange Touadéra a affirmé que “le premier effet de cet accord est la cessation de toute violence contre les civils”.
Mais il n’a pas dévoilé le contenu du texte de l’accord – le 8ème depuis 2012 – qui restait encore inconnu en fin d’après-midi.
Il a juste indiqué que la Commission vérité et justice destinée à favoriser la réconciliation sera “opérationnelle” à la fin de l’année.
Il a annoncé qu’il allait entreprendre une série de voyages en province pour “porter le message de la paix à (ses) compatriotes”.
L’accord a été paraphé mardi à Khartoum où, à l’initiative de l’Union africaine (UA), les belligérants avaient négocié pendant une dizaine de jours.
Les chefs des deux principaux groupes, Ali Darassa pour l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) et Noureddine Adam, leader du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), n’ont pas assisté à la cérémonie de signature.
Ils avaient en revanche paraphé le texte appelé “accord de Khartoum”, mardi dans la capitale soudanaise.
“Ce jour est pour nous un moment historique qui consacre l’aboutissement de presque trois années d’efforts”, a affirmé M. Touadéra, soulignant avoir “tendu la main à nos frères et nos sœurs des groupes armés”.
“Le véritable défi sera le suivi de cet accord”, a de son côté estimé le président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat.
“Il ne faut pas qu’il soit un énieme accord (sans suite) comme disent les cyniques” et “nous serons très regardants sur l’application effective de cet accord”, a-t-il ajouté.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a salué dans un communiqué un “accomplissement important”. Il “encourage vivement toutes les parties prenantes à honorer leurs engagements tout au long de la période de mise en œuvre de cet accord”.
– Forte implication de l’UA –
Les sept précédents accords de paix n’ont jamais été respectés et n’ont pas permis de mettre fin aux violences.
Mais la présence à Khartoum des chefs de 14 groupes armés, dont les plus importants, ainsi que la forte implication de l’UA, laisse espérer que celui signé mercredi sera cette fois bien appliqué.
Les groupes armés sont issus de l’ex-rébellion hétéroclite de la Séléka à majorité musulmane qui a renversé le président François Bozizé en 2013, et des milices d’auto-défense qui s’y opposaient, les antibalaka.
La grande inconnue reste la façon dont est abordée dans cet accord la question de l’amnistie pour les nombreux auteurs de crimes et de violences commis depuis des années en Centrafrique.
Rejetée par Bangui, elle était exigée par les chefs des principaux groupes armés dont plusieurs sont sous sanctions de l’ONU ou cités pour violations des droits humains dans des rapports d’ONG. D’autres sont sous la menace d’un mandat d’arrêt.
Une Cour pénale spéciale (CPS) a été créée à Bangui pour juger les crimes commis dans le pays depuis 2003, mais son activité est très limitée.
Outre l’amnistie, les groupes armés exigeaient aussi la dissolution du gouvernement et la formation d’un gouvernement de sortie de crise, avec un Premier ministre issu de leurs rangs.
Ils réclamaient également la mise en place de patrouilles mixtes avec les Forces armées centrafricaines (Faca) pour sécuriser un territoire qu’ils contrôlent à 80%.
Ancienne colonie française classée parmi les pays les plus pauvres au monde, la Centrafrique, pays de 4,5 millions d’habitants, est cependant riche en diamants, or et uranium. Les groupes armés s’y affrontent pour le contrôle de ces richesses.
Ils s’opposent régulièrement aux quelque 12.000 soldats et policiers de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) qui tentent en vain d’empêcher les violences.
La Centrafrique a vu depuis un an la Russie faire une entrée remarquée dans un cet ancien “pré-carré” français: elle a livré des armes aux Faca et assure désormais la sécurité du président Touadéra.
Source: AFP