Côte d’Ivoire, l’alternance démocratique en péril

Le président ivoirien Alassane Ouattara, le 7 août 2017 à Abidjan | AFP/Archives | ISSOUF SANOGO

Le président ivoirien Alassane Ouattara a officialisé sa candidature pour un quatrième mandat consécutif, déclenchant une vague de réactions et de vives critiques à travers le pays et au-delà. Cette décision, justifiée par le chef de l’État comme conforme à la Constitution adoptée en 2016, est perçue par une partie de l’opinion comme un glissement préoccupant vers la présidence à vie.

Par Irene Herman

En 2020, M. Ouattara avait déjà utilisé l’argument de la « réinitialisation » des mandats grâce à la nouvelle Constitution pour briguer un troisième mandat. Quatre ans plus tard, la même logique est avancée. Pour ses détracteurs, il s’agit d’une interprétation opportuniste qui affaiblit l’esprit des lois et mine la confiance dans les institutions. La course électorale se présente sans véritable équilibre. Plusieurs figures majeures de l’opposition ont été écartées : Laurent Gbagbo, inéligible en raison d’une condamnation judiciaire ; Tidjane Thiam, disqualifié pour des questions de nationalité ; Guillaume Soro, toujours en exil. Dans ces conditions, les observateurs s’interrogent sur la légitimité d’un scrutin où le principal adversaire du président reste… l’abstention.

-Un climat politique sous tension-

Ces dernières semaines, des milliers de manifestants se sont rassemblés à Abidjan et dans plusieurs villes du pays pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme un verrouillage du processus électoral. Les forces de l’ordre ont procédé à plusieurs arrestations, notamment parmi les partisans du PPA-CI, le parti de Laurent Gbagbo. Le ton est donné : la campagne s’annonce sous haute tension. La Côte d’Ivoire, longtemps citée comme un exemple de stabilité en Afrique de l’Ouest, risque aujourd’hui de rejoindre la liste des pays où la modification ou l’interprétation flexible des constitutions permet de prolonger indéfiniment les mandats présidentiels. Ce choix alimente les critiques sur un recul démocratique à l’échelle régionale.

-Croissance économique mais fractures sociales-

Si le bilan économique du président Ouattara reste salué par les institutions financières, avec une croissance avoisinant les 7 % en 2023, les bénéfices ne se traduisent pas de manière équitable dans la société. Les inégalités persistent, le chômage des jeunes demeure élevé, et la pauvreté reste une réalité pour une grande partie de la population. En officialisant sa candidature, Alassane Ouattara ouvre une séquence politique à haut risque. Entre promesse de stabilité et accusation de dérive autoritaire, c’est l’avenir du modèle démocratique ivoirien qui se jouera dans les mois à venir. La question demeure : la Côte d’Ivoire est-elle prête à tourner la page, ou se dirige-t-elle vers un cycle politique sans fin ?