Les sites pollués par les déchets toxiques du Probo Koala à Abidjan en 2006 ne sont plus dangereux, mais les dizaines de milliers de personnes intoxiquées doivent être suivies médicalement, selon un rapport de l’ONU Environnement.
“Aucun des sites où les déchets issus du Probo Koala ont effectivement été déversés ne présente une contamination supérieure aux seuils établis par le gouvernement de la Côte d’Ivoire pour la dépollution. Par conséquent, aucun de ces sites ne nécessite une intervention complémentaire, même au regard de normes internationales”, conclut l’audit environnemental conduit par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), dont l’AFP a eu connaissance mercredi.
En août 2006, le cargo Probo Koala, affrété par la société de courtage pétrolier suisso-néerlandaise Trafigura, avait débarqué à Abidjan plus de 500 m3 de déchets hautement toxiques issus d’hydrocarbures.
Un sous-traitant ivoirien, la société Tommy, les avait transférés dans des camions-citernes puis déversés de façon sauvage dans une douzaine d’endroits de la capitale économique ivoirienne. Au moins 17 personnes étaient mortes et des dizaines de milliers d’autres avaient été intoxiquées.
L’affaire avait provoqué un scandale international, mais Trafigura n’a jamais été condamnée par la justice.
Pour établir le rapport, 130 échantillons de sol, d’eau, d’air, de sédiments, de mollusques, et de fruits et de légumes ont été prélevés en 2016 et 2017 sur 18 sites à travers la ville par des experts environnementaux du PNUE, missionnés à la demande du gouvernement ivoirien.
Si les conclusions du rapport apparaissent “rassurantes”, les experts cependant “n’excluent pas que la santé des communautés soit encore affectée par leur exposition initiale aux déchets en 2006”.
“La question de savoir si ceux qui ont été affectés au moment du déversement continuent de souffrir de troubles physiologiques ou psychosomatiques est d’autant plus cruciale qu’un suivi systématique des populations affectées n’a pas eu lieu au cours de cette dernière décennie”, avertissent les experts, recommandant donc au gouvernement ivoirien la mise en place d’un vaste programme de suivi médical.
– ‘soulagement’-
“Ce rapport est salutaire, car il reconnaît les souffrances que les Ivoiriens ont subi”, et “contredit Trafigura qui a toujours nié ses responsabilités” envers les victimes, a réagi Claude Gohourou, président de la Coordination nationale des victimes des déchets toxiques, qui revendique 220.000 membres.
“Nous demandons une indemnisation totale, juste et équitable pour les victimes, mais surtout la mise en place en urgence d’un plan de prise en charge médicale à long terme”, financé par Trafigura, a expliqué M. Gohourou.
“Ces conclusions sont un soulagement pour ceux qui vivent ou travaillent près des sites de déversement”, mais “onze ans après, les victimes demeurent dans le flou quant aux éventuelles conséquences à long terme sur leur santé”, a estimé Amnesty International dans un communiqué.
Trafigura a toujours démenti que les déchets du Probo Koala aient pu causer décès, blessures et maladies graves.
Des victimes ont lancé en septembre 2017 une nouvelle procédure judiciaire aux Pays-Bas contre Trafigura, après l’échec d’une première action en 2016.
La société avait signé deux accords, en 2007 en Côte d’Ivoire et 2009 au Royaume-Uni, qui prévoyaient au total 185 millions d’euros d’indemnisations. Un montant jugé dérisoire étant donné le nombre de personnes touchées. De plus, sur 152 millions versés à l’Etat ivoirien, seulement un quart a été réparti entre 95.000 victimes, selon la présidence ivoirienne de l’époque.
Le directeur du sous-traitant Tommy a lui été condamné à 20 ans de prison par la justice ivoirienne.
Source: AFP