Un “désastre” pour le climat ? Sonnés par l’élection de Donald Trump, les participants à la COP22 à Marrakech veulent se persuader que l’arrivée à la Maison Blanche d’un président “climato-réfractaire” ne va pas faire dérailler la lutte contre le réchauffement de la planète.
Cette “élection est un désastre, mais ce ne peut être la fin du processus climatique international”, a réagi l’ONG américaine 350.org.
“L’accord de Paris a montré que le monde était uni (…) dans son engagement pour +décarboniser+ l’économie mondiale”, a souligné Mohamed Adow de l’ONG Christian Aid pour qui “le reste du monde ne va pas risquer une catastrophe climatique à cause de l’opposition d’un seul homme”.
“Je ne suis pas inquiet, j’ai hâte de travailler avec la nouvelle administration américaine”, affirme même Seyni Nafo, le négociateur pour le groupe Afrique.
Malgré les déclarations à l’emporte-pièce de Donald Trump sur le climat pendant sa campagne, l’ONU assurait avoir “hâte de collaborer avec son administration, afin de faire avancer l’agenda climatique pour le bénéfice des peuples du monde” par la voix de Patricia Espinosa, la responsable climat à l’Organisation.
Le nouveau président américain avait qualifié de “canular” le dérèglement climatique et menacé d'”annuler” l’accord de Paris adopté fin 2015 par 195 pays.
Hilda Heine, présidente des îles Marshall, très vulnérables à la montée du niveau des océans provoquée par le réchauffement, “espère” que Donald Trump “réalisera que le changement climatique est une menace pour son peuple et pour des pays comme le mien”.
“L’un des grands défis que l’administration Trump devra affronter est le changement climatique”, veut croire le Maldivien Thoriq Ibrahim, pour l’Alliance des petits Etats insulaires.
Le rôle des Etats-Unis, deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre derrière la Chine après avoir longtemps été le premier, a toujours été central dans le dossier climat, qu’il s’agisse de le saper (sous le protocole de Kyoto) ou au contraire de le porter (comme Obama pour l’accord de Paris).
– Un président réaliste ? –
Selon la ministre française Ségolène Royal et présidente de la COP21, Donald Trump ne peut “pas dénoncer” juridiquement l’accord de Paris, que les Etats-Unis ont déjà ratifié.
Le texte prévoit que les pays ayant ratifié – 103 à ce stade – ne pourront en sortir avant quatre ans (dont un de préavis). Mais aucune sanction formelle n’est prévue en cas de non-respect des dispositions.
Plus qu’une sortie formelle de l’accord, Trump pourrait tourner le dos aux engagements pris par Obama pour réduire les émissions américaines. Pendant sa campagne, il a déjà promis de supprimer les mesures rendant obsolètes les vieilles centrales au charbon, et de relancer l’extraction offshore de pétrole et de gaz. Ce qui pourrait décourager d’autres pays d’agir.
Dans les négociations, “nous pourrions voir les gens se mettre en retrait”, redoute Liz Gallagher, experte pour l’organisation E3G, qui espère qu’à Marrakech la date de 2018 pour faire un bilan des actions engagées sera retenue par le plus grand nombre.
Après ce résultat électoral, “la présidence marocaine (de la COP22) doit être plus pro-active”, glisse-t-elle, alors que les pays réunis à Marrakech doivent se mettre d’accord sur un certain nombre de règles pour rendre opérationnel le pacte de Paris.
Au-delà de la nécessité d’agir pour éviter un dérèglement climatique catastrophique, la pertinence économique à investir dans les énergies vertes pour ne pas rater une transition déjà amorcée, est aussi mise en avant.
“Il y a un énorme mouvement, dans énormément de pays, pour agir et d’ailleurs l’économie qui avance est celle des énergies renouvelables, des nouvelles technologies, des transports propres”, a déclaré à l’AFP Laurence Tubiana, la négociatrice française. “Je pense qu’un président réaliste va regarder tout ça”, a-t-elle ajouté.
Le réseau “We mean business”, qui rassemble des milliers d’entreprises et d’investisseurs, souligne que “l’action pour le climat est aussi la source de nouveaux emplois et d’une compétitivité accrue dans les industries de demain”.
Et si l’agenda politique sur le climat risque de devenir plus “incertain”, juge Stéphanie Pfeifer, directrice générale de l’IIGCC (groupe d’investisseurs représentant 13.000 milliards d’actifs), “les investisseurs poursuivront leurs efforts pour gérer le risque climat”.
Source: AFP