Des centaines de migrants africains ont manifesté jeudi en Israël contre l’emprisonnement de plusieurs des leurs, première mobilisation d’envergure depuis l’application d’une nouvelle politique migratoire controversée.
Israël se prépare à expulser des milliers d’Érythréens et de Soudanais entrés illégalement dans le pays et qui n’ont pas de demande d’asile en cours d’instruction. Il leur donne le choix: partir d’ici à début avril -soit pour leur pays d’origine soit pour un pays tiers- ou aller en prison indéfiniment.
Le plan concerne dans un premier temps les hommes seuls qui n’ont pas soumis de demande d’asile, ou dont la demande a été rejetée.
Les autorités ont procédé cette semaine aux premières arrestations en vertu de ce plan. Elles ont transféré mardi à la prison de Saharonim (sud) les premiers migrants érythréens détenus jusqu’alors au centre de rétention d’Holot, non loin de la prison, et qui ont refusé de partir.
Plusieurs centaines de migrants ont protesté jeudi devant la prison de Saharonim où, selon eux, au moins 12 d’entre eux sont détenus depuis mardi. La porte-parole du service des prisons a indiqué de son côté que neuf migrants avaient été incarcérés.
Des centaines de détenus d’Holot, un centre de rétention ouvert où les migrants sont tenus d’émarger le soir, se sont mis en grève de la faim mardi soir, selon les organisations d’aide.
Frappant dans leurs mains au-dessus de leurs têtes, les manifestants ont scandé: “Nous ne sommes pas des criminels, nous sommes des réfugiés. Pas d’expulsion, plus de prison, nous ne sommes pas à vendre, nous sommes des demandeurs d’asile, ramenez nos frères”.
Ils brandissaient des pancartes proclamant: “arrêtez l’expulsion de réfugiés innocents” et “nous ne sommes pas des criminels”.
“Nous sommes ici pour demander l’asile”, pas pour travailler ou devenir riches, a expliqué à l’AFP un des manifestants, Muluebrhan Ghebrihimet, un Erythréen de 27 ans.
– La promesse de Netanyahu –
Arrivé en Israël il y à six ans, il a dit avoir déposé une demande d’asile qui a été rejetée et ne pas savoir quand il sera envoyé en prison.
Sur les 15.400 demandes d’asile de migrants africains enregistrées à ce jour, onze seulement ont reçu une réponse favorable. Moins de la moitié ont été traitées.
Un autre manifestant érythréen, Tesfazgi Asgodom, 33 ans, explique avoir reçu il y a un mois une injonction de quitter le pays faute de quoi il irait en prison.
“L’expulsion n’est pas une alternative”, dit-il ajoutant que les migrants qui ont quitté Israël et sont repartis en Afrique ont eu un triste sort.
Le gouvernement garde secret le nom du ou des pays avec lesquels il se serait entendu pour accueillir les migrants expulsés d’Israël. Les organisations d’aide parlent surtout du Rwanda.
Une nouvelle manifestation est prévue samedi soir à Tel-Aviv, qui, selon la police, pourrait rassembler 5.000 personnes près de la gare routière, quartier où vivent de nombreux Africains.
La présence de ces migrants a causé des frictions avec les Israéliens, en particulier dans le sud de Tel-Aviv, la capitale économique du pays, où nombre d’entre eux se sont installés, vivant pour beaucoup de petits boulots ou d’expédients.
Les protestations de la population criant à l’insécurité et à la coexistence impossible ont trouvé l’oreille attentive du gouvernement de Benjamin Netanyahu, considéré comme le plus à droite de l’histoire d’Israël.
M. Netanyahu a promis de “rendre” le sud de Tel-Aviv aux citoyens israéliens. Des responsables religieux et conservateurs ont aussi présenté ces migrants musulmans ou chrétiens comme une menace pour l’identité juive d’Israël.
Selon le ministère de l’Intérieur, 42.000 migrants africains vivent en Israël, dont la moitié d’enfants, de femmes ou d’hommes qui ont des familles et ne sont pas menacés par l’échéance du 1er avril.
Ces migrants sont arrivés très majoritairement après 2007 en s’infiltrant à partir du Sinaï égyptien. La frontière à l’époque poreuse avec l’Egypte a depuis été rendue quasiment hermétique, mettant fin aux passages clandestins.
Le plan du gouvernement a suscité une large réprobation, de la part de l’agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR), d’intellectuels, de médecins, voire de survivant de l’Holocauste.
Source: AFP