La pandémie de Covid-19 a fragilisé un grand nombre de PME aux Etats-Unis mais l’effet est plus dévastateur pour les petits commerces tenus par des Afro-Américains, qui rencontrent souvent plus de difficultés pour obtenir des prêts bancaires.
Par Patrick FALLON avec John BIERS à New York
La résurgence de l’épidémie à l’approche des fêtes de fin d’année, période cruciale pour la santé financière des commerces de proximité, est de nature à pousser plus d’un à mettre la clé sous la porte.
D’autant que l’effet positif des manifestations monstres contre les inégalités raciales et économiques de l’été a vécu.
A Los Angeles, les autorités ont décidé mercredi de fermer les bars et restaurants, à la veille de Thanksgiving.
Dans le sud de la métropole, le restaurant spécialisé dans les repas épicés Hotville Chicken avait déjà dû fermer sa salle. Il doit maintenant abandonner la terrasse.
“Ca va faire mal”, déplore sa propriétaire Kim Prince. Cette Afro-Américaine garde toutefois de l’optimisme: avec les ventes à emporter et à livrer, “ce ne sera peut-être pas catastrophique”.
Les nouvelles règles ne s’appliquent pas à des magasins comme “One of a Kind Hats”, qui vend des chapeaux.
Mais “les affaires ne vont pas fort”, remarque sa propriétaire Meeka Robinson Davis. Ses clients n’ont plus beaucoup l’occasion d’aller à la messe, à des mariages ou à d’autres célébrations et son chiffre d’affaires a reculé de 70%.
Au moins trois magasins ont fermé dans sa rue.
Le nombre de petites entreprises dirigées par des personnes noires a diminué de 41% entre février et avril, contre seulement 17% pour les sociétés gérées par des personnes blanches, selon une étude publiée en août de l’antenne de New York de la puissante Réserve fédérale (Fed) publiée en août.
– Relations fragiles avec les banques –
Les relations plus fragiles de la communauté noire avec les banquiers a défavorisé les sociétés dirigées par ses membres quand il a fallu préparer les dossiers de demande de prêts accordés en urgence par le gouvernement aux PME.
“Le Covid-19 a exacerbé ces problèmes et les entreprises des communautés les plus durement touchées ont connu d’énormes disparités dans l’accès aux fonds de secours fédéraux et un taux plus élevé de fermetures d’entreprise”, a constaté Claire Kramer Mills, vice-président adjointe à la Fed de New York.
A Los Angeles, évaluer combien de commerces ont fermé est compliqué car certains ont bougé ou ont réduit leurs activités au minimum, explique Joe Rouzan III, directeur d’une association qui oeuvre pour le développement économique dans le sud de la ville.
“On ne pourra pas appréhender l’impact complet du Covid avant que la pandémie ne disparaisse mais on sait que ça a fait des dégâts sérieux”, dit-il.
Certaines entreprises ont limité la casse grâce à internet.
La librairie Eso Won Books par exemple a maintenu les commandes en ligne quand elle a baissé son rideau en mars.
Les ventes ont clairement baissé et les salaires ont dû être réduits, explique son co-propriétaire James Fugate.
Mais le commerce a observé un pic inattendu d’activité en juin, au moment de la montée en puissance des manifestations lancées après la mort de l’Afro-Américain George Floyd, après avoir été mentionné par l’auteur Ibram Kendi lors d’une interview.
Des milliers de commandes pour des livres sur l’antiracisme et l’histoire de la communauté noire ont afflué, forçant même la librairie à suspendre temporairement son service de vente en ligne.
– Des subventions, pas des prêts –
La vente en ligne ne sied pas à tous les commerces, comme One of a Kind qui fait des chapeaux sur-mesure et sert des clients souhaitant voir de près les produits, remarque Mme Davis.
Sa boutique a bien fabriqué et vendu des masques en tissu. Mais pour payer le loyer, elle a dû piocher dans ses économies et s’appuyer sur des aides publiques.
Elle a aussi obtenu un prêt de 27.000 dollars d’un programme du gouvernement mais espère ne pas avoir à l’utiliser.
“Je ne veux pas être étouffée par des dettes”, dit Mme Davis.
Alors que la difficulté d’obtenir un crédit à un taux correct pour les Afro-Américains est souvent dénoncée, les grandes banques se sont engagées ces derniers mois à offrir de meilleures conditions aux communautés de couleur.
Mais M. Rouzan préfère largement les subventions, comme celle de 500.000 dollars accordée à son organisation par Netflix pour aider des commerces dirigés par des personnes noires à se stabiliser.
“S’endetter encore plus est la dernière chose dont ces entreprises ont besoin actuellement”, remarque-t-il.
Source: AFP