Le général Abdel Fattah al-Burhane est un militaire de carrière qui a joué ces dernières années un rôle clé dans l’engagement soudanais au Yémen mais était un inconnu du grand public jusqu’à sa désignation le 12 avril à la tête de la transition.
Le bras de fer entre le Conseil militaire de transition qu’il dirige et la contestation a pris une tournure sanglante lundi avec la dispersion par la force du sit-in des manifestants à Khartoum, qui a fait au moins 13 morts selon un comité de médecins.
Après avoir renforcé sa position auprès de puissances régionales, le général Burhane a pris la tête le 12 avril du Conseil militaire qui avait déposé la veille le président Omar el-Béchir.
Il a été propulsé à la tête de cette instance de transition dans des conditions rocambolesques, un jour à peine après la désignation à ce même poste du général Awad Ibn Ouf.
Ce dernier a jeté l’éponge quand il a vu les manifestants ayant provoqué le renversement de Béchir par l’armée maintenir leur sit-in, braver le couvre-feu des militaires et reprendre les mêmes slogans, y changeant uniquement le nom d’Omar el-Béchir par le sien.
Pour les protestataires, le général Ibn Ouf incarnait le régime de M. Béchir et ses 30 années de règne sans partage.
L’un des principaux atouts d’Abdel Fattah al-Burhane, un quinquagénaire issu des mêmes académies qu’Awad Ibn Ouf, fut alors son anonymat quasi absolu: il “n’a jamais été sous le feu des projecteurs”, dit de lui un officier soudanais.
Le général Burhane a été au cours de sa carrière attaché de Défense à Pékin, mais il est surtout “un très haut gradé de l’armée, un commandant qui sait mener ses troupes”, assure ce même officier sous le couvert de l’anonymat.
Quelques heures avant d’être catapulté à la tête d’une transition surveillée à travers le monde, il avait été vu en train de discuter avec les manifestants rassemblés devant le QG de l’armée à Khartoum.
– Envoi de troupes au Yémen –
Né en 1960 à Gandatu, un village au nord de Khartoum, Abdel Fattah al-Burhane a fait des études dans une école de l’armée soudanaise puis en Egypte et en Jordanie.
Marié et père de trois enfants, il a été commandant de l’armée de terre avant que le président déchu le nomme inspecteur général de l’armée en février dernier.
Selon les médias soudanais, il avait coordonné l’envoi de troupes soudanaises au Yémen en guerre lorsqu’il était commandant des forces terrestres.
L’envoi de ces troupes a été décidé par Omar el-Béchir dans le cadre d’une coalition militaire sous commandement saoudien intervenue en 2015 au Yémen pour soutenir le gouvernement face aux rebelles Houthis accusés de liens avec l’Iran.
Des centaines de soldats et officiers soudanais combattent au Yémen, où ils ont souvent déploré des pertes parmi leurs hommes.
On ignore le nombre exact de militaires soudanais engagés au Yémen, mais des images de soldats soudanais morts ou blessés circulent régulièrement sur les réseaux sociaux, suscitant des appels au retour des troupes.
“Burhane n’a pas de sensibilités politiques, c’est un militaire de carrière”, souligne l’officier.
Depuis sa désignation, il a encore renforcé ses liens avec les soutiens régionaux de l’armée soudanaise, en se rendant en Egypte, mais également aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite, deux pourvoyeurs d’aides financières.
Selon Willow Berridge, professeur d’Histoire à l’Université de Newcastle et auteur de “Soulèvements civils au Soudan moderne”, le général soudanais a été en étroite collaboration avec les paramilitaires de la Force de soutien rapide (RSF) sur le dossier yéménite.
Il “semble être arrivé au pouvoir” avec le soutien de cette force, a expliqué l’universitaire.
Ce “rôle (…) de la Force de soutien rapide –considérée par beaucoup comme une version réorganisée des milices Janjawid, qui ont commis des atrocités de masse au Darfour (ouest)– vont pousser de nombreuses personnes à la prudence”, a-t-elle ajouté.
Source: AFP