Au cœur des plateaux de l’Ennedi, dans le nord-est du Tchad, 200 dromadaires s’installent sur la ligne de départ. Au top, les camélidés s’élancent à toute allure, soulevant sur leur passage des tourbillons de sable.
Par Djimet WICHE
Appuyés contre leur bosse, les chameliers enturbannés se meuvent au rythme du galop. Baton dans une main, rênes dans l’autre, le regard tourné vers l’horizon, il faut à tout prix remporter la course.
Depuis une tribune installée au beau milieu de cette plaine désertique, des milliers de spectateurs suivent, émerveillés, la cavalcade effrénée.
Tous participent à la cinquième édition du Festival international des cultures sahariennes, qui vient de s’achever à Amdjarass, chef-lieu de la province de l’Ennedi-Est et ville natale du président tchadien Idriss Déby Itno.
L’ambition de ce festival, organisé par l’association française “la Saharienne”, est de promouvoir les cultures du Sahel et le tourisme dans cette région en proie à une instabilité grandissante.
Huit pays étaient représentés, dont le Maroc, la Tunisie, la Mauritanie, ou encore le Niger, explique le président de la Saharienne, le franco-nigérien Elli Moussa Issouf.
Au programme: danses traditionnelles, exposition d’objets d’art, course de chevaux et, bien sûr, de dromadaires.
Selon l’organisateur, près de 3.000 personnes ont fait le déplacement. Pourtant, il y a quelques semaines encore, le festival avait été annulé.
En cause, l’incursion fin janvier d’une colonne de rebelles tchadiens dans la région de l’Ennedi.
Entrés depuis la Libye, les éléments de l’Union des forces de la résistance (UFR) avaient été stoppés par des frappes françaises, à la demande du président Idriss Deby Itno.
Le festival a finalement été reprogrammé au prix d’une forte présence militaire.
Seul “l’Ultra rail”, la course à pied prévue à travers le massif de grès reste, elle, interdite.
Dans les allées du festival, entre les tissus sahéliens aux motifs touareg ou de couleurs vives, l’imprimé militaire s’est immiscé.
A l’entrée d’Amdjarass, des unités de soldats très lourdement armés filtrent les allées et venues. Les voitures sont fouillées, les participants contrôlés.
– Sprint final –
Un soulagement pour Djomboye un chamelier tchadien âgé de 24 ans, qui s’entraine assidûment depuis un an pour remporter la course de dromadaire.
“On peut apprendre à monter un dromadaire en moins de 24 heures, mais la participation à cette course sportive, demande, elle, un sacrifice, de la fatigue et de l’énergie”, explique-t-il.
Et pour cause, les dix premiers chameliers à franchir la ligne d’arrivée font à la fois la fierté de leur clan et reçoivent chacun une récompense allant de 200.000 francs CFA à 5 millions – soit entre 300 et 7.500 euros.
Immense pays s’étendant de l’Afrique centrale à la bande sahélo-saharienne, le Tchad est l’un des pays les plus pauvres du monde, où 38,4 % des habitants vivent avec moins de 1,9 dollar par jour, selon l’Agence française de développement.
Retour sur la piste ensablée, où les dromadaires les plus entraînés s’approchent de la ligne d’arrivée.
Du haut de la tribune officielle, le président Deby, tout de blanc vêtu, observe fièrement la course.
A ses côtés se tient le ministre de la Sécurité publique, Mahamat Abali Salah, tout juste revenu d’une mission dans le nord du pays, zone frontalière avec la Libye où sont installés plusieurs groupes rebelles.
Plus que quelques mètres, les équipées s’élancent avec ferveur dans le sprint final, lorsque, tout à coup, un chamelier perd le contrôle de son dromadaire.
Dans sa course folle, l’animal projette violemment un militaire. Le soldat se relève à la hâte. A bout de bras, il réussit à stopper le camélidé rebelle prêt à foncer… sur la tribune officielle.
Source: AFP