Lutte anticoloniale, le Bénin rend un hommage à Kaba

Deux monuments dans la ville de Natitingou qui symbolisent la résistance de Kaba à la conquête coloniale française au Bénin/Photo:courriedesAfriques

Cent ans après son décès, Kaba a été célébré dans tout son héroïsme par ses descendants et tout le peuple béninois. Présent à ce rendez-vous de l’histoire, le ministre du Tourisme et de la Culture, Ange N’KOUE a décliné la vision du gouvernement en ce qui concerne l’héritage laissé par ce guerrier des temps anciens au Dahomey, actuel Bénin. 

Par Safiou Tiega

Colloques, soirée culturelle et processions ont marqué cette célébration placée sous le thème « la résistance de Kaba dans le contexte de la lutte anticoloniale au Bénin : spécificité socio-historique, lecture plurielle et leçons pour le Bénin d’aujourd’hui ». Organisée par l’Union des Peuples de l’Atacora et de la Donga pour la Promotion des acquis de Kaba, cette commémoration du centenaire de Kaba a eu pour objectif d’exposer les actes de bravoure de ce révolutionnaire dont le combat est très peu connu malheureusement.

En effet, l’histoire retiendra toujours que trois grands foyers de résistance à la conquête et à la colonisation de notre pays par la France ont vu le jour à la fin du XIXème. Ces foyers, faut-il le rappeler, concernent la résistance du roi Bèhanzin contre le Général Dodds sur le plateau d’Abomey ; la résistance de Bio Guèra dans le Borgou ; le soulèvement des peuples de l’Atacora historique ayant à leur tête le valeureux et grand stratège Bio Tchanyéba Kaba contre le Commandant Renard.

A l’origine des nombreuses actions menées depuis des années pour inscrire dans la mémoire collective le souvenir de ce vaillant résistant, Ange N’KOUE se réjouit de cette commémoration et lance un appel à la jeune génération : « De cette intelligente et audacieuse résistance, les générations futures doivent retenir l’essentiel : c’est au prix de sacrifices, d’abnégation et d’endurance que s’écrit chaque page de l’histoire d’un peuple ». Pour le ministre du tourisme et de la culture, l’histoire de Kaba nous enseigne le sens du patriotisme et l’amour de la liberté. Ange N’KOUE va plus loin et exhorte : « Aujourd’hui plus que jamais, c’est vers de tels modèles que nous devons nous tourner pour trouver l’inspiration nécessaire à la construction de ce pays ».

La guerre de résistance de Kaba contre la colonisation française (1914-1917), a laissé de nombreux vestiges dont certains sont encore conservés dans de très bonnes conditions. On y retrouve entre autres, des constructions en pierres sèches qui abritaient les guerriers et leurs familles, des armes et autres objets de la vie quotidienne, et des hauts-fourneaux qui servaient à fondre le minerai de fer pour forger les armes des combattants.

-Un centenaire qui aurait pu être célébré autrement-

Témoin anonyme à la sobre cérémonie de clôture des manifestations, le Ministre du Tourisme et la Culture, Ange N’koué, n’aura pas droit à la parole. Seul le président de l’Union des Peuples de l’Atacora et de la Donga pour la Promotion des acquis de Kaba, Alassane Tigri s’est exprimé. L’ex Secrétaire général du gouvernement a remercié en quelques mots toutes les personnes impliquées dans l’organisation de l’événement avant d’insister sur leurs attentes à l’endroit du gouvernement. Principale doléance, que le Ministère se saisisse de l’opportunité pour redonner à Kaba son caractère de héros national. Mais aucun mot à l’endroit du Ministre, présent dans le public. Un acte fortement décrié par nombre d’invités présents. Logique quand on sait qu’Ange N’koué est l’initiateur des nombreux écrits sur Kaba et les démarches menées pour l’entretien et l’aménagement des monuments érigées en la mémoire du héros national, Kaba. Des efforts qui remontent à des années en arrière. Cet engagement personnel doublé du titre de ministre de la culture qu’il porte aujourd’hui à plus d’un titre devrait dissuader certains organisateurs du spectacle à la limite désolant auquel ont eu droit les populations sorties pourtant nombreuses rendre hommage à KABA.

« C’est une bonne initiative. Mais la politique a tôt fait de s’en mêler et aujourd’hui, malgré nos nombreux courriers pour essayer de demander aux organisateurs de réorienter les manifestations pour les intégrer dans un programme plus globalisant, ils ont tenu à l’organiser malgré tout » expliquera le ministre du Tourisme et de la Culture par ailleurs vice-président de l’Union des Peuples de l’Atacora et de la Donga pour la Promotion des acquis de Kaba. Et pour répondre au président de l’union qui a mis en exergue l’indifférence du gouvernement, Ange N’koué explique : « le ministère du Tourisme et de la Culture ne s’est jamais dessaisi de ce dossier. D’ailleurs, j’ai été l’initiateur de tout ce qui se passe aujourd’hui même si la politique s’en est mêlée. Je veux vous dire que ce n’est pas à eux d’interpeller le ministère. Nous avons commencé avant eux et nous irons au bout des initiatives prises ». Et parlant justement des actions en cours, il est inscrit au budget national un montant de 180.000fcfa pour l’aménagement et l’embellissement de la stèle de Kaba et des études estimées à plusieurs millions pour l’inscription à terme, de la grotte de Datawory au patrimoine mondial de l’Unesco. Des précisions qui remettent totalement en cause la justification d’une commémoration solitaire par le comité d’organisation.

Un héritage à préserver

Au-delà de ces fausses notes, toutes les parties prenantes s’accordent sur un point capital : préserver l’héritage d’un homme hors-pair. Si le ministre estime ” révolu le temps où le gouvernement pouvait financer des activités sporadiques qui ne rentrent pas dans le cadre d’un vaste programme de développement”, il ne compte pas se dérober de ses engagements, en ce qui concerne la valorisation des acquis de Kaba : « Nous allons faire ce qui est inscrit dans le budget de l’Etat exercice 2017. Nous sommes en train de faire en sorte d’inscrire ce site au patrimoine mondial de l’Unesco. Nous espérons juste que les présentes manifestations ne vont altérer en rien nos objectifs », conclut-il, visiblement soucieux de l’objectif capital.