Les discussions pour tenter de sauver l’accord international sur le nucléaire iranien ont démarré mardi à Vienne, les Etats-Unis étant indirectement conviés pour la première fois depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche.
Par Anne BEADE
Ils ne sont pas à la même table que Téhéran et ce sont les Européens qui servent d’intermédiaire entre les deux parties, dans l’espoir de parvenir à des résultats concrets après deux mois de blocage.
Washington a envoyé de premiers signaux positifs en se disant prêt à “lever les sanctions qui sont en contradiction avec l’accord”, selon des propos de l’émissaire américain Rob Malley à la chaîne de télévision PBS.
Ali Rabii, porte-parole du gouvernement iranien, a salué une “position réaliste et prometteuse”, qui “pourrait être le début de la correction du mauvais processus qui avait mis la diplomatie dans l’impasse”.
Dès que ces mesures punitives qui asphyxient son économie seront levées, l’Iran a promis de renouer avec ses engagements nucléaires, dont il s’est progressivement affranchi depuis le retrait des Etats-Unis de l’accord.
– “Jalon important” –
L’ex-président américain Donald Trump avait dénoncé unilatéralement en 2018 ce pacte conclu à Vienne trois ans plus tôt, qui vise à garantir que Téhéran ne cherche pas à se doter de la bombe atomique.
Mais Joe Biden a dit vouloir le réintégrer, et depuis son arrivée à la Maison Blanche en janvier, les différentes parties s’activent en coulisses.
Après une série d’entretiens bilatéraux, la réunion de la commission mixte a débuté à 14H30 heure locale (12H30 GMT) en présence de l’ensemble des signataires du JCPOA (Plan d’action global commun): Iran, Allemagne, France, Royaume-Uni, Chine, Russie, le tout sous l’égide de l’UE représentée par le secrétaire général adjoint du Service d’actions extérieures, Enrique Mora.
“Les résultats seront probablement connus d’ici quelques heures”, a tweeté l’ambassadeur russe auprès des organisations internationales, Mikhail Ulyanov, en publiant une photo de la salle de conférence dans un hôtel de luxe de la capitale autrichienne.
Les Etats-Unis, dont l’émissaire Rob Malley est arrivé à la mi-journée à Vienne, seront régulièrement informés des avancées des discussions et interagiront de manière indirecte. La République islamique a en effet exclu toute “réunion” avec la délégation américaine.
– “Diplomatie de la navette” –
L’ouverture de discussions ce mardi est “un jalon important, montrant que les Etats-Unis comme l’Iran tiennent sérieusement à briser l’inertie et le schéma attentiste qui consiste à dire +la balle est dans l’autre camp+”, a commenté sur Twitter Ali Vaez, de l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group.
Pour Kelsey Davenport, directrice de la politique de non-prolifération au sein de l’Arms Control Association, “cette diplomatie de la navette n’est certes pas idéale mais l’UE est bien placée pour sortir de l’impasse et coordonner les mesures nécessaires pour restaurer l’accord”.
Cette experte appelle à “un premier geste audacieux des deux côtés pour insuffler un élan au processus et démontrer la volonté politique de chacun”.
Washington pourrait, par exemple, débloquer “l’accès aux transactions financières étrangères et faciliter l’aide humanitaire” – médicaments et équipements médicaux notamment, dit-elle, tandis que Téhéran pourrait en contrepartie stopper l’enrichissement d’uranium à hauteur de 20%.
Mais la tâche ne sera pas simple et les discussions prendront sans doute du temps, préviennent diplomates et experts.
“Nous sommes aux prémices d’un processus complexe et il est prématuré d’anticiper une issue à ce processus”, a commenté depuis Bruxelles une porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, Nabila Massrali.
“Le problème, c’est tout ce qui est irréversible comme les activités de recherche entreprises par Téhéran” au cours des derniers mois, souligne le diplomate interrogé par l’AFP, en référence à la production d’uranium métal ou à l’utilisation de nouvelles centrifugeuses avancées.
Mme Davenport pointe aussi “ceux qui veulent torpiller l’accord” dans chacun des deux pays ennemis, appelant les négociateurs à “agir vite”.
© Agence France-Presse