Nucléaire iranien: les Etats-Unis entrent dans le ballet diplomatique à Vienne

Le président Joe Biden à West Mifflin (Pennsylvanie), le 31 août 2020 - ALEX WONG © 2019 AFP

Les discussions pour tenter de sauver l’accord international sur le nucléaire iranien ont démarré mardi à Vienne, les Etats-Unis étant indirectement conviés pour la première fois depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche.

Par Anne BEADE

Ils ne sont pas à la même table que Téhéran et ce sont les Européens qui servent d’intermédiaire entre les deux parties, dans l’espoir de parvenir à des résultats concrets après deux mois de blocage.

Washington a envoyé de premiers signaux positifs en se disant prêt à « lever les sanctions qui sont en contradiction avec l’accord », selon des propos de l’émissaire américain Rob Malley à la chaîne de télévision PBS.

Ali Rabii, porte-parole du gouvernement iranien, a salué une « position réaliste et prometteuse », qui « pourrait être le début de la correction du mauvais processus qui avait mis la diplomatie dans l’impasse ».

Dès que ces mesures punitives qui asphyxient son économie seront levées, l’Iran a promis de renouer avec ses engagements nucléaires, dont il s’est progressivement affranchi depuis le retrait des Etats-Unis de l’accord.

– « Jalon important » –

L’ex-président américain Donald Trump avait dénoncé unilatéralement en 2018 ce pacte conclu à Vienne trois ans plus tôt, qui vise à garantir que Téhéran ne cherche pas à se doter de la bombe atomique.

Mais Joe Biden a dit vouloir le réintégrer, et depuis son arrivée à la Maison Blanche en janvier, les différentes parties s’activent en coulisses.

Après une série d’entretiens bilatéraux, la réunion de la commission mixte a débuté à 14H30 heure locale (12H30 GMT) en présence de l’ensemble des signataires du JCPOA (Plan d’action global commun): Iran, Allemagne, France, Royaume-Uni, Chine, Russie, le tout sous l’égide de l’UE représentée par le secrétaire général adjoint du Service d’actions extérieures, Enrique Mora.

« Les résultats seront probablement connus d’ici quelques heures », a tweeté l’ambassadeur russe auprès des organisations internationales, Mikhail Ulyanov, en publiant une photo de la salle de conférence dans un hôtel de luxe de la capitale autrichienne.

Les Etats-Unis, dont l’émissaire Rob Malley est arrivé à la mi-journée à Vienne, seront régulièrement informés des avancées des discussions et interagiront de manière indirecte. La République islamique a en effet exclu toute « réunion » avec la délégation américaine.

– « Diplomatie de la navette » –

L’ouverture de discussions ce mardi est « un jalon important, montrant que les Etats-Unis comme l’Iran tiennent sérieusement à briser l’inertie et le schéma attentiste qui consiste à dire +la balle est dans l’autre camp+ », a commenté sur Twitter Ali Vaez, de l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group.

Pour Kelsey Davenport, directrice de la politique de non-prolifération au sein de l’Arms Control Association, « cette diplomatie de la navette n’est certes pas idéale mais l’UE est bien placée pour sortir de l’impasse et coordonner les mesures nécessaires pour restaurer l’accord ».

Cette experte appelle à « un premier geste audacieux des deux côtés pour insuffler un élan au processus et démontrer la volonté politique de chacun ».

Washington pourrait, par exemple, débloquer « l’accès aux transactions financières étrangères et faciliter l’aide humanitaire » – médicaments et équipements médicaux notamment, dit-elle, tandis que Téhéran pourrait en contrepartie stopper l’enrichissement d’uranium à hauteur de 20%.

Mais la tâche ne sera pas simple et les discussions prendront sans doute du temps, préviennent diplomates et experts.

« Nous sommes aux prémices d’un processus complexe et il est prématuré d’anticiper une issue à ce processus », a commenté depuis Bruxelles une porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, Nabila Massrali.

« Le problème, c’est tout ce qui est irréversible comme les activités de recherche entreprises par Téhéran » au cours des derniers mois, souligne le diplomate interrogé par l’AFP, en référence à la production d’uranium métal ou à l’utilisation de nouvelles centrifugeuses avancées.

Mme Davenport pointe aussi « ceux qui veulent torpiller l’accord » dans chacun des deux pays ennemis, appelant les négociateurs à « agir vite ».