Étienne Tshisekedi, opposant historique en République démocratique du Congo (RDC), est mort mercredi à Bruxelles à l’âge de 84 ans, en pleines négociations politiques destinées à permettre un régime de transition à la suite du maintien au pouvoir du président Joseph Kabila.
Par Bienvenu-Marie BAKUMANYA
Peu de temps après l’annonce de sa mort, la police a dispersé un début de rassemblement à proximité de son parti, l’UDPS, à Kinshasa, en tirant des grenades lacrymogènes.
“Le président Tshisekedi est décédé aujourd’hui à 17H42 à Bruxelles” (16H42 GMT), a déclaré à l’AFP Bruno Tshibala, secrétaire-général adjoint de l’UDPS.
Selon un proche du vieil opposant, Tshisekedi est mort dans un hôpital bruxellois, dans des circonstances qui n’ont pas été révélées.
Le décès de “Tshitshi”, comme le surnommaient affectueusement ses partisans est survenu huit jours après son départ de RDC, en pleines négociations politiques sur un partage du pouvoir entre l’opposition et la majorité soutenant le président Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001.
“Il n’est pas mourant, mais il doit partir pour un contrôle (médical) à Bruxelles”, avait alors déclaré à l’AFP un proche de la famille Tshisekedi.
Mais un haut cadre de l’UDPS avait indiqué que la santé du “Vieux”, comme l’appelaient certains dirigeants du parti, s’était brusquement dégradée.
Concurrent malheureux de M. Kabila à la présidentielle de novembre 2011, marquée par des irrégularités massives, M. Tshisekedi n’avait jamais reconnu la victoire de M. Kabila et s’était proclamé “président élu” de la RDC après l’annonce des résultats officiels.
A la 10e rue Limete, siège de l’UDPS à Kinshasa, une centaine de partisans de l’UDPS étaient réunis mercredi vers 21h30 (20h30 GMT) en se lamentant de la perte de leur grand homme, selon une journaliste de l’AFP sur place. “C’est pas vrai, c’est pas vrai !” entendait-on ça et là.
– “Le leader est mort” –
“Le leader est mort. Nous n’aurons plus un autre leader qui lutte sans recourir aux armes comme ya Tshitshi. Comment peut-il aller mourir en Belgique”, l’ancienne puissance coloniale, regrette Yves, un militant de l’UDPS.
Pendant qu’une femme pleure “Ya Tshistshi” qu’elle compare à “Moïse le Sauveur”, un homme crie : “Mon Dieu, pourquoi nous as-tu fait ça ?”
La tension est montée rapidement avec les forces de l’ordre, qui ont tiré plusieurs grenades lacrymogènes, y compris à l’intérieur de la parcelle où se sont retrouvées bloquées une cinquantaine de personnes finalement évacuées manu militari par la police.
Le décès du “Sphynx de Limete”, autour de qui s’était formée en juin une coalition d’opposants à M. Kabila, le Rassemblement, survient à un moment crucial pour la RDC, pays de plus de 71 millions d’habitants parmi les moins développés de la planète.
M. Kabila est au pouvoir depuis 2001 et la Constitution lui interdit de se représenter. La présidentielle n’ayant pas été organisée avant la fin de son mandat, le 20 décembre, le chef de l’État s’est maintenu en fonctions en vertu d’un arrêt controversée de la Cour constitutionnelle.
Le 31 décembre, la majorité et l’opposition ont signé un accord politique destiné à mettre en place un régime de transition politique jusqu’à l’organisation d’une présidentielle devant avoir lieu aux termes de cet accord à la fin de l’année.
Mais les négociations sur la mise en place de cet accord, et très concrètement sur le partage postes au sein du gouvernement, qui devaient théoriquement s’achever au cours du week-end, n’ont toujours pas abouti.
Dans un communiqué, le ministre des Affaires étrangères belge, Didier Reynders, a salué en Tshisekedi la mémoire d'”une figure politique marquante” de la RDC. Son “dernier combat (…) pour le respect de la Constitution et de la démocratie a abouti à la conclusion de l’accord de la Saint-Sylvestre”, a ajouté M. Reynders, selon qui “la Belgique s’associe à la population congolaise dans sa douleur et dans son souhait de voir cet héritage du président du Rassemblement porter ses fruits et être mis en œuvre”.
Source: AFP