Il y a deux domaines dans la cité où tous les avis s’équivalent et où seule l’histoire a le pouvoir de trancher, c’est-à-dire de distinguer les plus éclairés des plus cons. Il s’agit de la politique et de la culture. Dans l’un comme dans l’autre, les plus habiles et les plus bavards se prévalent de compétences et de visions, à l’exception de tous les autres. Pourtant, des événements anodins comme une parole de trop entre copines ou un incident dans un bus peuvent ébranler toutes les certitudes jusqu’aux villages les plus éloignés de notre humanité. Voilà pourquoi il est important de donner son opinion et d’attendre le verdict de l’histoire, quelle que soit la place où la société vous confine.
Par Camille Amouro
Au-delà de toutes les théories juridicopantoufles, l’histoire des referenda au Bénin apparaît comme une farce historique où les acteurs jouent sur place en se donnant l’illusion d’aller de l’avant. À commencer par le tout premier: le référendum gaulliste de 1958. La question était de savoir si nous voulions rester français ou devenir indépendants. Nous aurions répondu oui à la communauté française. Pourtant, deux ans plus tard, ce fut le président français en personne qui vint proclamer notre indépendance. Conclusion de fou: ou les résultats étaient faux dans ce pays marqué par des révoltes diverses du Nord au Sud depuis 1916, ou ils ont été bafoués, ce qui indique la précarité du référendum en soi.
La Loi Fondamentale du 26 août 1977, au Bénin, n’aurait peut-être pas été adoptée si elle avait été soumise à un référendum. En effet, avant la session extraordinaire du CNR, de véritables débats citoyens avaient été organisés dans les quartiers. Mais de toutes les dispositions du texte, seul l’Article 124 fut unanimement sujet à caution: “La femme est égale à l’homme”. La plupart des hommes estimèrent que le régime voulait “débaucher les femmes.” Et ils étaient fort sérieusement fâchés. Ce seul article de la Constitution aurait donc pu la faire rejeter même si dans la version définitive, “ligne de masse” oblige, il a été remplacé par: “La femme est égale à l’homme en droit et en devoir”.
-C’est un jeu à qui perd gagne-
En principe, tout référendum pose une question claire sur une proposition (au sens de la logique) à laquelle chaque citoyen répond par oui ou par non. Par exemple, sommes-nous pour la survivance de la traite des enfants au Sud du Bénin? Je ne me souviens pas de la question à laquelle nous avons répondu pour la Constitution du 2 février 1991. En revanche, je me souviens de la troisième possibilité de réponse:”oui mais”. Sérieusement, n’était-ce pas là une variante de la farce? Quoi qu’il en soit, logiquement, si “oui”ou”non”, alors, “oui mais” ou”non mais”.
Le gouvernement béninois prévoit un référendum pour une révision de la constitution. C’est un jeu à qui perd gagne. Quelle que soit la proposition, si les citoyens votent oui, ce sera un plébiscite. S’ils votent non, le gouvernement se pliera sans difficulté pour montrer son attachement à la démocratie. Normalement, le vote devrait être oui car si le gouvernement est de moins en moins populaire, il n’a encore en face aucune force politique capable de conviction et de mobilisation. En plus, il n’y a pas vraiment d’enjeu, les citoyens s’étant déjà prononcés contre les partis et des institutions inefficaces comme la HAAC. Une proposition sur la représentativité et les procédures de représentation ébranlerait davantage le gouvernement, les politiques et les citoyens.