Depuis Juillet 2016, le Gouvernement Béninois est entré en négociation avec le Gouvernement Français pour la restitution d’objets d’arts pillés par la France pendant la colonisation, et exposés au Musée Quai Branly à Paris. A ce jour, il est estimé que 90% du patrimoine culturel africain se trouve hors du Continent, principalement dans des musées occidentaux. La demande béninoise est une première par une ancienne colonie française.
Par Zoundé Fifame
Par cette requête, le Gouvernement du Président Talon dit vouloir mettre en valeur le tourisme béninois. Cependant, il semble évident que la démarche peut aussi être interprétée comme le souhait de concrétiser un peu plus l’indépendance béninoise. Seulement, le Bénin a-t-il les moyens de ses ambitions ? La demande du Gouvernement Béninois est tout à fait légitime mais pour qu’elle aboutisse avec succès, elle doit être mise en oeuvre de manière stratégique, et avec beaucoup de tact.
Tout d’abord, il est un fait que même si la France a effectivement pillé ces œuvres d’arts, que cette réalité lui soit renvoyée au visage de manière tapageuse, ne va non seulement pas lui plaire, mais cela peut se révéler être contre-productif pour le Bénin. En effet, si Paris, considérant que ces objets font désormais partie de son patrimoine national décide de ne pas obtempérer, quels sont les moyens dont dispose le Bénin pour lui forcer la main? Deuxièmement, et de manière plus pratique, si ces œuvres sont en effet restituées, le Bénin possède-t-il l’infrastructure requise pour les conserver, les restaurer, les maintenir et les sécuriser ? La réponse est non. Dans ce cas, pourquoi ne pas se concentrer d’abord sur la création d’un environnement propice et à la mise en place d’infrastructures adéquates pour recevoir et conserver ces objets, avant de faire une telle requête ? Même si elle est légitime, le Bénin n’exprime-t-il pas là une ambition démesurée, en mettant la charrue avant les bœufs ?
En effet, l’envie de faire valoir son indépendance est une chose, mais disposer des outils pour la mettre en œuvre, en est une autre. Bon nombre de pays africains aujourd’hui confondent les deux choses, et, sans se donner les moyens ou sans créer les conditions nécessaires, s’agitent à faire des déclarations ou à poser des actes qui relèvent souvent de la distraction et in fine restent symboliques, tant les liens de dépendance économiques, politiques et sécuritaires qui existent entre les anciennes colonies et les anciennes puissances européennes sont encore très poussés.
Pour cette question spécifique, une approche plus réaliste et stratégique serait de trouver un compromis avec Paris, dans un accord qui comprendrait certains éléments y compris, que Paris reconnaisse que ces œuvres sont la propriété du Bénin. Une fois cette reconnaissance acquise, le Bénin accepterait que ces œuvres, qui sont sa propriété, demeurent à Paris, (au Musée Quai Branly) pour un nombre déterminé d’années encore (renouvelable ou non), le temps pour le Bénin d’ériger les infrastructures nécessaires pour les accueillir. Pendant cette période, la France s’engagerait à reverser à l’état Béninois, un montant calculé avec le concours de l’UNESCO, qui représenterait les profits tirés de l’exhibition de ces oeuvres d’arts au Musée Quai Branly. En outre, le Bénin, réviserait avec Paris, la légende associée à ces œuvres d’Arts pendant qu’ils sont toujours au Musée Quai Branly. Car, il n’est pas certain que la légende actuelle associée à ces œuvres reflète de façon authentique l’histoire de ces œuvres et du Bénin. Elle est sûrement formulée de manière à mettre en valeur, l’histoire de la conquête de la France.
Ce sont là quelques éléments qui pourraient faire partie de la négociation entre les deux pays. Si le Bénin arrive à bien négocier cette restitution d’objets d’arts, son expérience servira d’exemple à nombres de pays africains qui ambitionnent de faire la même chose. Mais il est essentiel que cette démarche soit menée de manière stratégique et pragmatique.