Khedafi Djelkhir lors des JO de Pékin en 2008.
Khedafi Djelkhir, 33 ans, est le premier athlète français à s’être qualifié pour les JO de Rio. Ce boxeur poids plume de moins de 57 kilos vivra ses troisièmes Jeux au Brésil en août prochain. Son ambition : la médaille d’or avant de raccrocher les gants et de se consacrer à sa vie d’homme.
Khedafi Djelkhir vous regarde droit dans les yeux, cherche ses mots pour être certain d’être compris et s’arrête après chaque fin de phrase. Tout le contraire d’un boxeur sur le ring, qui enchaîne les coups, donne de la force à ses gestes, et tient le rythme du combat. Petit, affûté, le visage marqué après tant d‘années passées à donner et recevoir des poings dans la figure, Khedafi Djelkhir n’a pas encore terminé sa mission : se parer d’or aux Jeux olympiques. Son rêve de médaille d’or a débuté à Athènes en 2004. En Grèce, Khedou – c’est le surnom de Khedafi – vit ses premiers JO. Mais il perd au deuxième tour et décide de rentrer immédiatement tant la déception est immense.
Atteindre le summum à Rio
« Aujourd’hui avec le recul, avec la maturité, je me dis que c’était bête. Faire les JO, c’est des souvenirs incroyables. Rester en Grèce m’aurait permis de remplir ma valise d’autres moments rares ». Avec le temps qui passe, la fougue a laissé place à la sagesse. C’est ce qui saute aux yeux en ce lundi ordinaire à l’Insep (l’Institut national des sports, de l’expertise et de la performance) où le boxeur nous reçoit juste avant son entraînement.
Khedafi Djelkhir s’est rattrapé en Chine lors des JO 2008 avec une médaille d’argent. « Je n’ai pas vu grand-chose de Pékin et il me reste ce podium. C’était très fort ». Une récompense après un acharnement sans nom et des années de travail. L’aboutissement pour cet homme qui met son intégrité physique en jeu, ce qui d’ailleurs fait trembler sa mère. A Rio, ce sera l’or et rien d’autre. « Mon objectif c’est d’atteindre le summum. Je sais ce que c’est de revenir avec une médaille. Mais là je veux entendre la Marseillaise et être au top du top », avance Khedafi Djelkhir qui met en avant son tempérament rancunier. « Il parle de rancœur et moi je crois qu’il traduit plus une envie de se dépasser. Il veut prouver qu’il est capable de faire des choses », tempère son entraîneur, John Dovi.
Des « raclées » avant de pouvoir prendre le dessus
S’il est arrivé à la boxe par hasard, Djelkhir n’oublie pas que pendant sa première année, il a reçu des « raclées » avant de pouvoir prendre le dessus sur son premier compagnon d’entraînement. C’est à ce moment-là qu’il a senti que le noble art s’est emparé de lui. Toujours à la recherche de la performance, son ascension a été rapide : première licence officielle en 1999, en équipe de France en 2002 et premiers JO en 2004. Un parcours surprenant pour quelqu’un qui avait commencé la boxe par le plus grand des hasards. Encore aujourd’hui, Khedou n’accepte pas la défaite et se sert de cette « rancune ». L’expérience en plus. « A la base c’est un garçon qui avait des qualités limitées et il n’était pas prédestiné à devenir un grand champion », avance John Dovi. Selon lui, un boxeur est un peu à l’image d’un paysan : « Il travaille dur et c’est ce qui lui apporte de la modestie et de l’humilité. »
Sa première sélection en Bleu, Khedafi Djelkhir s’en souvient comme si c’était hier. Il se remémore surtout ce survêtement bleu-blanc-rouge avec le mot « France » dans le dos. Arrivé dans sa chambre, il s’en vêtit et commence à faire le « mannequin », comme il dit, devant sa glace. Mais pour le garder définitivement, à l’époque, il fallait être sélectionné trois fois. « C’était ma plus grande inquiétude. Au bout de la troisième sélection, j’étais fier de représenter l’élite française. »
Boxeur argneux sur le ring, une crème dans la vie
Si ce n’est pas encore le moment de faire le bilan, Khedafi Djelkhir est certain d’avoir œuvré pour son sport et pour le drapeau tricolore. « Je n’ai pas besoin de revendiquer mes origines, elle se voient sur mon visage. Mais je suis Français et je ne veux pas être mis dans une catégorie. Je suis en France, ma culture est française et je ne connais rien d’autre ». Khedafi Djelkhir, n’a pas peur de mettre les points sur les « i » après des mois de débats sur la place des binationaux dans l’Hexagone.
Toujours dans un rapport de force avec son sport, Khedafi Djelkhir dégage une douceur inattendue dans la vie courante. « Le peu de temps que l’on a à l’extérieur de notre discipline, on a envie de le prendre très sereinement ». Dans la salle d’entraînement où ils transpirent à grosses gouttes, on ne croise aucun boxeur arrogant, ni prétentieux. Tous viennent vous saluer avec politesse.
Aujourd’hui, l’ancien champion de France poids plume de 2004 à 2008 sait ce qui l’attend à Rio. « Il a envie de faire cette médaille. C’est mon gars. C’est un boxeur attachant, fidèle, travailleur et surtout très intelligent. Il a une capacité d’analyse que j’apprécie beaucoup, raconte John Dovi. C’est un mec qui va au charbon. J’ai toujours défendu sa boxe offensive. Il se donne à fond pendant les entraînements et dans tout ce qu’il fait. »
Un grain de folie…
« Je l’ai découvert à la télévision en 2008 lors des JO de Pékin et aujourd’hui j’ai la chance de le côtoyer, raconte le champion du monde amateur chez les super-lourds Tony Yoka. Il est toujours prêt à donner un coup de main et à partager son expérience. Il est vrai, il est entier, il fait tout à fond. J’aime son grain de folie ».
Khedafi Djelkhir, premier athlète français à s’être qualifié pour les JO 2016 est pour le moment très serein. Le stress, il le réserve pour « le premier combat ». Ce jour-là, il aura une pensée pour Alexis Vastine, compagnon de fortune et d’infortune, médaillé de bronze aux JO de Pékin en 2008 est mort tragiquement le 9 mars 2015 dans un accident d’hélicoptère lors du tournage d’une émission de téléréalité. « J’ai envie de bien finir. J’arrive à la fin de mon histoire d’athlète et j’ai hâte de commencer ma vie d’homme », avoue Khedafi Djelkhir. Rio sera la fin de la première tranche de vie de cet homme impavide et respectable.