Le retour de Riek Machar dans ses fonctions de vice-président réveille un mince espoir dans un Soudan du Sud miné depuis 2013 par la guerre civile qui oppose les partisans du chef rebelle et ceux du président Salva Kiir. Dès son arrivée à Juba mardi 26 avril, Riek Machar a immédiatement prêté serment et debout, souriant aux côtés de son ennemi d’hier, il a appelé à la « réconciliation ». Le premier pas, c’est la mise en place d’un gouvernement d’union. L’ONU y appelle « le plus rapidement possible ». Mais cette bonne volonté affichée de part et d’autre suffira-t-elle pour parvenir à la paix ?
Ce retour, prévu par les accords de paix d’Addis Abeba en août 2015 était une condition sine qua non pour mettre fin au conflit qui dure depuis plus de deux ans. Riek Machar avait été évincé par le président Salva Kiir qui l’accusait de vouloir prendre sa place. Mardi, en prêtant serment, le nouveau vice-président a tenu les propos d’un homme d’Etat et non plus d’un chef de guerre. Posant comme priorité l’application durable d’un cessez-le-feu dans tout le pays, il a insisté sur la nécessité de relancer une économie mise à terre par l’instabilité. Ce qui passe d’abord par la réconciliation. Le conflit, d’une rare sauvagerie avec des massacres, a fait des dizaines de milliers de morts et plus de deux millions de personnes déplacées.
Pour cela, il faut d’abord former le gouvernement d’union nationale auquel appelle au plus vite l’ONU. Sa composition pourrait être annoncée dès ce jeudi. C’est en tout cas ce que disait mercredi soir l’entourage de Riek Machar. Le camp de l’opposition qu’il dirige espère obtenir dix ministères et quatre vice-ministères. Le camp présidentiel, lui, obtiendrait seize postes, comme le prévoient les accords de paix. Outre la répartition des portefeuilles, la question de la démilitarisation de la capitale ou encore la place des ex-rebelles dans le partage du pouvoir dans les Etats pétroliers du Nord demeurent des questions qui divisent les deux camps. Il faut voir si ces points pourront être appliqués.
Des combats toujours en cours
A l’heure où Riek Machar revient à Juba, les combats entre les forces gouvernementales et les partisans du vice-président n’ont pas cessé. L’agence de l’ONU pour les réfugiés s’alarme toujours de combats en cours dans l’Etat du Bahr Al Ghazel occidental qui ont entraîné la fuite de 96 000 personnes depuis janvier seulement.
La semaine dernière, plus de 200 personnes ont été tuées et 102 enfants kidnappés sur le sol éthiopien, à Gambella. C’est la première fois que cette région frontalière avec le Soudan du Sud subissait une attaque de cette envergure. La région réputée pour abriter une forte communauté nuers, dont est issue l’ex-rebelle Riek Machar. Elle est extrêmement sensible à ce qui se passe côté sud-soudanais.
L’Ethiopie artisan du rapprochement
C’est la raison pour laquelle Addis Abeba est si impliqué dans le processus de paix au Soudan du Sud. L’Ethiopie craint la contagion. Addis Abeba est engagé depuis des années dans les efforts de paix. Elle n’a pas relâché la pression sur les deux camps, celui de Salva Kiir et celui de Riek Machar, les rassurant sur leur avenir politique respectif, maintenant le canal de communication ouvert entre eux. Et en quelque sorte, le retour de Riek Machar couronne les efforts de l’Ethiopie qui entend tenir le rôle de puissance régionale stabilisatrice alors que la communauté internationale, elle, aimerait bien pouvoir passer le relais à ce partenaire.
Idéalement, il faudrait que le Soudan du Sud, fort de son pétrole, investisse dans les infrastructures et le développement, notamment agricole, alors que 90% des Sud-Soudanais vivent dans la pauvreté. Après plus de deux ans de conflit, le défi économique est colossal. Le plus jeune Etat d’Afrique a vu sa production pétrolière baisser d’un tiers en deux ans. Le tarissement des ressources de l’Etat n’est pas la moindre des menaces qui planent sur le processus de paix.