Benin:Epilogues sur «La Rupture». Un petit déballage 1/5

Benin: Epilogues sur « La Rupture » : Un petit déballage
Camille Amouro, Ecrivain

Dire que les Béninois ont voté Talon par défaut est une vue de l’esprit, une analyse de salon. Les Béninois ont voté La Rupture par conviction personnelle, chacun avec sa propre sensibilité et ses aspirations. En dépit parfois de certaines réserves, ils ont mouillé le maillot, fortement engagés dès le départ à effacer une honte, à semer de l’espérance, à vouloir se récupérer.

Personnellement, je me suis engagé dans ce combat pour servir les jeunes. Je veux dire que rien de ce que j’ai fait sur le terrain, dans les communes du Sud au Nord, ou publié sur les réseaux sociaux n’a été une décision personnelle. Chaque acte, chaque propos et chaque déplacement m’ont été directement suggérés par mes plus jeunes amis. Et chaque acte, chaque propos ont été accompagnés en coulisses par des personnes d’une grande intégrité. J’aimerais presque les nommer. Quoi qu’il en soit, la campagne sur les réseaux sociaux n’était pas le fait d’une génération spontanée. En visitant l’historique de certains militants, il est facile de constater que cette campagne a commencé il y a cinq ans déjà.

Ce qu’il me plait de révéler ici, c’est que les actions ne sont pas isolées. Nous nous connaissions, nous avions une stratégie, et nous discutions fréquemment des tactiques. Etant donné la volonté générale, nous avions choisi, contrairement au camp adverse qui a utilisé une stratégie d’intimidation et d’insulte, de transmettre l’expression des plus jeunes au peuple. Voilà pourquoi, il était indispensable de ne pas nous confiner dans Cotonou.

La proposition de rassembler ABT, Eric et Zanou dans une même coalition, par exemple, provient directement d’une discussion avec des jeunes de Parakou. Lorsque j’ai publié cette proposition, trois dames, entre autres personnes, se sont engagées à mener les démarches nécessaires en vue de la faire aboutir. L’une d’elle a réussi. Les autres ont échoué…

Un autre exemple. Dans plusieurs communes, certaines unités de campagne ont été confrontées à des urgences pratiques. J’ai eu l’honneur de réfléchir ensemble à une solution, que ce soit pour le candidat Ajavon ou pour ABT ou Talon. Dans quelques communes, les militants savaient que je fréquentais pareillement les deux autres candidats et, en général, cela ne leur posait aucun problème. Qu’est-ce que cela signifie ? Juste que les candidats étaient à l’écoute de leur base et que la coalition de la rupture existait déjà dans les faits avant que Monsieur Yayi pousse les leaders à la concrétiser dans la forme.

Il y avait donc deux campagnes parallèles : la campagne politicienne et la campagne citoyenne. La campagne politicienne avait quelques insuffisances organisationnelles dues non seulement aux empêchements du gouvernement, mais également à une faible coordination des représentants sur le terrain. Notre campagne à nous était plus organisée même si elle n’avait ni chef de file, ni structure, mais de simples affinités citoyennes. Le seul problème était le candidat unanime à soutenir. C’était d’ailleurs impossible puisque notre association était en toile d’araignée, avec, toujours, une cinquième colonne : un candidat. Dès le départ, mes amis s’étaient exprimés sur leur choix, sans aucune hésitation, chacun avec des arguments propres. J’ai pu constater qu’aucun d’eux n’a changé et que les résultats du premier tour ont confirmé leur représentativité. D’ailleurs, il n’y a eu aucun problème à ce que tous soutiennent massivement le candidat de la rupture. L’histoire nous confirmera si la mobilisation citoyenne n’a pas déterminé le ralliement des divers candidats. Quoi qu’il en soit, la mobilisation s’est poursuivie après la victoire où nous savions que les vaincus chercheraient à nous distraire. J’ai eu des réprésailles (gentilles) pour avoir voulu, dans le camp adverse, dissocié ceux qui ont reconnu leur échec des autres qui avaient tout à perdre, leur fortune entière étant fondée sur des magouilles que seule la muflerie pouvait ainsi tolérer.

En résumé, le réseau citoyen qui a gagné l’élection présidentielle n’est pas que virtuelle. Il est réel et veille toujours.

Ma conviction, maintenant que je me retire, fier d’avoir servi cette jeunesse ambitieuse, est qu’elle gardera cette vigilance et s’exprimera de façon vigoureuse sur les défis à relever. Ce qui s’est passé au Bénin récemment est une réplique du balai citoyen burkinabè ou de la mobilisation citoyenne sénégalaise contre la réforme constitutionnelle de Wade. La seule différence, c’est que La Rupture a pris corps le moment d’une campagne. Et cette différence signifie que la jeunesse garde le contrôle. Il n’y a qu’à regarder le sort des partis traditionnels pour s’en convaincre. C’est maintenant le temps de construire….(à suivre)