“Bien mal acquis”: Teodorin Obiang attend son jugement, premier du genre à Paris

Teodorin Nguema Obiang le 24 juin 2013 à Malabo | AFP/Archives | JEROME LEROY

La justice française rend vendredi un premier jugement très attendu dans l’affaire des “biens mal acquis”, à l’encontre du vice-président de Guinée équatoriale, Teodorin Obiang, accusé de s’être frauduleusement bâti en France un patrimoine considérable.

La décision de la 32ème chambre du tribunal correctionnel de Paris est attendue vers 10H00.

Teodorin Obiang, 48 ans, n’a eu de cesse, comme le pouvoir équatoguinéen, de contester la tenue de ce procès en France et la légitimité de la justice française.

Le fils du président Teodoro Obiang Nguema, ancien ministre de l’Agriculture et des forêts promu vice-président par son père, ne s’était pas présenté lors de son procès pour blanchiment d’abus de biens sociaux, de détournement de fonds publics, d’abus de confiance et de corruption, qui s’était déroulé du 19 juin au 6 juillet.

Le parquet national financier avait requis à son encontre trois ans de prison, 30 millions d’euros d’amende et la confiscation de l’ensemble des biens saisis pendant l’enquête, dont un immeuble de l’avenue Foch, l’un des quartiers les plus huppés de Paris, estimé à lui seul à 107 millions d’euros.

Il encourt jusqu’à dix ans d’emprisonnement et une amende qui pourrait atteindre quelque 50 millions d’euros.

L’enquête, ouverte après des plaintes des associations Sherpa et Transparency International, avait mis au jour le patrimoine considérable de Teodorin Obiang: objets d’art, voitures de luxe et de sport, et ce somptueux hôtel particulier de l’avenue Foch: 101 pièces, hammam et discothèque, marbre et robinets recouverts d’or…

A Paris, Teodorin Obiang, éternel célibataire au look savamment étudié, dépense des mallettes entières de liquide chez les couturiers de l’avenue Montaigne. Un train de vie très éloigné du quotidien de son pays du golfe de Guinée, dont plus de la moitié des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Au terme de l’instruction, les juges avaient estimé que son patrimoine ne pouvait avoir été financé par ses seuls revenus officiels mais était issu “des détournements de fonds publics”, de la corruption.

Nombre de ces dépenses somptuaires étaient effectuées par le biais de la Somagui Forestal, une société d’exploitation forestière. Une “coquille vide qui ne sert qu’à faire transiter de l’argent public” et à collecter un “impôt révolutionnaire”, selon l’accusation.

– ‘Etat souverain’ –

La défense de Teodorin Obiang avait dénoncé au dernier jour d’audience une “ingérence dans les affaires d’un Etat souverain”.

Elle estime que pour le juger pour blanchiment, la justice française devra juger si l’argent qui a servi à financer tous ses achats a une origine licite ou non, ce qui revient à “conférer à la France une compétence universelle”.

Malabo ferraille en outre autour de l’hôtel particulier de l’avenue Foch en le présentant comme des locaux diplomatiques, inviolables.

Si sa confiscation était prononcée vendredi, sa mise en œuvre devrait attendre l’issue d’une procédure en cours devant la Cour internationale de justice. Saisie par Malabo, qui conteste les poursuites françaises contre Teodorin Obiang, la CIJ a rendu en décembre dernier une ordonnance selon laquelle la France doit assurer, jusqu’à l’issue de cette procédure à la Haye (Pays-Bas), l’inviolabilité de l’immeuble.

Teodorin Obiang était le premier dignitaire à être jugé dans le cadre des procédures dites de “biens mal acquis” lancées en 2010 en France.

La justice française, qui cherche à savoir si les fortunes des familles de plusieurs dirigeants africains ont pu être bâties en France grâce à des fonds publics détournés de leurs pays, enquête également sur les patrimoines bâtis par les proches de Denis Sassou Nguesso (Congo), du défunt Omar Bongo (Gabon) ou encore du président centrafricain déchu François Bozizé.

La justice suisse s’intéresse également de près à Teodorin Obiang. Onze véhicules de luxe lui appartenant ont été saisis à Genève en novembre.

Avec l’AFP