“Déshumanisations”, un panorama sur notre planète en proie aux crises

Le Centre de Lobozounkpa  au Bénin abrite depuis plusieurs jours, une exposition collective de trois artistes. Il s’agit de Daavo, Landu Jah et Yvon Ngassam dont les œuvres dénoncent l’ampleur inquiétante de destructions et de “déshumanisations” que connaît notre planète par le fait de la mauvaise conduite des hommes. L’opportunité est ainsi offerte aux visiteurs du Centre qui découvrent depuis le 17 mars dernier, et ce jusqu’au 19 mai 2018, un panel d’œuvres qui interpellent la conscience collective.

Par Cir-Raoul HOUNGBEDJI

Nos sociétés contemporaines sont en crises, en voie de “déshumanisation”. La capacité de destruction humaine a atteint un seuil inquiétant. Ce qui fait planer une réelle menace de disparition sur nos sociétés, si rien n’est fait pour arrêter la saignée. Ce cri de cœur que les trois artistes ont voulu pousser à travers des œuvres qui embrassent plusieurs domaines de la vie a, à n’en point douter pour finalité, de sonner l’alerte maximale, en vue d’une réelle prise de conscience des différents acteurs que nous sommes.

Trois styles différents pour la même cause

Pour y arriver, les trois artistes emploient différents modes d’expression, tout en se servant de multiples phénomènes qui compromettent dangereusement si rien n’est fait, l’avenir de la planète terre. Partant des œuvres réalisées au cours de leur résidence de création, ils s’inspirent notamment des crises sociales telles que les conflits, la misère et leurs interminables corollaires dont le plus significatif reste et demeure, l’exode massive de bras valides. Faut-il le souligner, l’Afrique qui est le continent le plus touché paie un lourd tribut de ces situations pénibles que tentent de dénoncer Daavo, Landu Jah et Yvon Ngassam à travers des œuvres qui affichent une ingéniosité séduisante. 

Artiste pluridisciplinaire Béninois, Daavo propose une installation composée de tableaux, de sculptures et d’une bande son. “Ahouanxo” (“Histoire de la guerre” en langue locale Fon) comme son nom l’indique, “explore la pluralité des formes d’emprisonnement auxquelles sont confrontées les victimes des guerres”. Prenant appui sur le conflit syrien, la maquette de cette installation s’offre comme une tentative de reconstruction de la ville d’Arlep, jadis bastion industriel et joyau historique inscrite au patrimoine de l’humanité, mais devenue malheureusement le symbole de la résistance des rebelles, et théâtre d’une tragédie humanitaire. Une situation désolante que l’artiste a voulu explorer pour toucher les cœurs sensibles.

Pour sa part, Landu Jah dans sa démarche de création artistique, s’attaque aux causes responsables des mouvements de migration. Pour cet artiste congolais, “les problèmes environnementaux, le consumérisme et l’éducation” sont la clé de voûte des calamités qui s’observent dans nos sociétés contemporaines. Landu Jah est convaincu qu’il faut aller au-delà des simples constats, pour réussir véritablement à l’avenir et trouver des solutions aux problématiques : écologiques, humaines, sociales et culturelles.

Quant à Yvon Ngassam, il aborde la question à travers une installation composée de  sculptures (masques Guèlèdés), photographies et d’une vidéo. L’artiste Camerounais qui a opéré une descente dans le quotidien des “zémidjans” (taxi-motos) du quartier de Lobozounkpa séduit surtout par sa tentative d’interprétation des rêves, aspirations et utopies de ces laissés-pour-compte qui essaiment les différentes villes du Bénin, facilitant la mobilité aux populations à moindre coût. Pour Yvon Ngassam, tout en témoignant de ce que “la capacité de résilience dont font preuve les “zémidjans” est essentielle dans les processus de déconstruction d’une dynamique attentiste et de reconstruction des sociétés africaines”, il a voulu également souligner qu’il est impérieux de “laisser place aux rêves de la jeunesse, afin que ces derniers ne se perdent pas dans les fantasmes d’un ailleurs”.

Comme on peut s’en apercevoir, l’exposition “Déshumanisations” mérite le détour. Pour honorer ces artistes ingénieux, mais aussi et surtout, apporter sa caution propre à l’aboutissement de ce difficile mais pas inatteignable processus d’humanisation de la planète qui, si rien n’est fait risque de s’effondrer.