Les Etats d’Afrique de l’Ouest, qui appellent Yahya Jammeh à céder le pouvoir en Gambie, ont annoncé lundi l’envoi d’une nouvelle mission à Banjul, où douze ambassadeurs gambiens ayant soutenu le président élu Adama Barrow ont été rappelés.
La Gambie, petit pays anglophone d’Afrique de l’Ouest de moins de deux millions d’habitants, traverse une crise née de l’élection présidentielle du 1er décembre: Yahya Jammeh, au pouvoir depuis 1994, a annoncé le 9 décembre qu’il ne reconnaissait plus sa défaite, une semaine après avoir pourtant félicité M. Barrow pour sa victoire.
Le 13 décembre, le parti de M. Jammeh a saisi la Cour suprême d’une demande d’annulation de l’élection, arguant d’irrégularités dans la comptabilisation des votes et l’organisation du scrutin. Deux autres recours ont été déposés le 3 janvier.
Depuis son revirement, M. Jammeh subit de nombreuse pressions extérieures, notamment de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao, 15 pays), pour quitter le pouvoir le 19 janvier, après l’expiration de son mandat.
La Cédéao a notamment dépêché une mission de dirigeants à Banjul le 13 décembre, sans succès, et multiplie les réunions sur le dossier.
Les dernières discussions en date se sont tenues lundi à Abuja, au Nigeria, à l’initiative du président nigérian Muhammadu Buhari, un des médiateurs dans ce dossier.
La Cédéao va dépêcher mercredi en Gambie une nouvelle mission comprenant M. Buhari, la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf – présidente en exercice de la Cédéao – et l’ex-chef de l’Etat ghanéen John Dramani Mahama, qui participaient déjà tous les trois à celle du 13 décembre, a annoncé le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama. Selon lui, ils vont “discuter avec le président Jammeh de l’impératif de respecter la Constitution”.
M. Onyeama a précisé à la presse qu’un transfert pacifique du pouvoir en Gambie était préférable, mais qu’un recours à la force n’était pas exclu. “La violence devrait être évitée, mais rien n’a été écarté”, “toutes les options sont sur la table”, a-t-il dit.
Sourd aux pressions, Yahya Jammeh a assuré le 20 décembre qu’il ne céderait pas le pouvoir tant que la Cour suprême n’aurait pas statué sur ses recours électoraux. Et le 31 décembre, il a accusé la Cédéao de partialité et exclu toute négociation avec elle.
– Douze ambassadeurs limogés –
Persistant dans ce refus, il a limogé et rappelé à Banjul douze ambassadeurs accrédités à l’étranger, qui lui avaient fin décembre une lettre lui demandant de céder le pouvoir, a indiqué lundi à l’AFP une source au ministère gambien des Affaires étrangères.
De même source, tous avaient “félicité le président élu Adama Barrow pour sa victoire”. Parmi eux figurent les ambassadeurs au Sénégal – unique voisin terrestre de la Gambie -, aux Etats-Unis, à l’ONU, en Russie et en Grande-Bretagne.
Ces annonces interviennent à la veille de l’examen par la Cour suprême du recours du parti de M. Jammeh. Mais des incertitudes planent sur cette audience, plusieurs juges non gambiens pressentis n’ayant pas officiellement accepté d’y siéger.
La Gambie fait souvent appel à des magistrats d’autres pays anglophones pour renforcer son système judiciaire.
“Nous attendions des juges du Nigeria et de Sierra Leone” par un vol Air Maroc lundi, “ils ne sont pas venus”, a indiqué à l’AFP une source judiciaire.
Des experts juridiques nigérians et gambiens ont indiqué à l’AFP que cinq juges nigérians et un sierra-léonais ont été sollicités pour le dossier, dont aucun n’a répondu.
“La volonté du peuple exprimée lors de l’élection du 1er décembre (en Gambie) doit être respectée”, a déclaré à l’AFP le président de l’Ordre des avocats nigérians, Mahmoud Abubakar Balarabe.
Jusqu’à lundi soir, il était impossible de savoir, y compris au sein du camp de M. Jammeh, combien de juges seraient présents à l’audience de mardi. La Cour suprême est actuellement présidée par un Nigérian, Emmanuel Fagbenle.
Par crainte de débordements en lien avec cette échéance, l’ambassade des Etats-Unis a invité les ressortissants américains à la prudence. Dans un communiqué, elle exhorte ceux dont la présence n’est pas “essentielle” à quitter la Gambie avec leur famille, et ceux envisageant de s’y rendre à différer leur déplacement.
Source: AFP