Harare “aux anges” après la chute de Mugabe

Des Zimbabwéens fêtent la démission du président Robert Mugabe à Harare, le 21 novembre 2017 | AFP | MUJAHID SAFODIEN

Des concerts de klaxons et des hurlements. La capitale zimbabwéenne Harare a célébré mardi dans un bruit assourdissant la chute, tant attendue, du président Robert Mugabe, laissant éclater sa joie et criant ses espoirs de vie meilleure en ce nouveau jour “d’indépendance”.

Par Benjamin SHEPPARD et Fanuel JONGWE

“Nous sommes si heureux”, confie émue Togo Ndhlalambi, une coiffeuse de 32 ans, “on se réveillait chaque matin en attendant ce jour, le pays a connu des moments si difficiles”.

Autour d’elle, un tourbillon de drapeaux et d’euphorie s’est emparé des rues du centre-ville. Des femmes chantent, des enfants, interloqués, pleurent.

“Je suis aux anges. Trente-sept ans de dictature, ce n’est pas une plaisanterie”, exulte Tinashe Chakanetsa, 18 ans.

“J’espère maintenant un nouveau Zimbabwe, dirigé par le peuple et non pas une seule personne”, s’enthousiasme la jeune femme, “nous avons besoin de dirigeants choisis par le peuple, nous n’avons pas besoin d’autocrates”.

Au pouvoir depuis près de quatre décennies,

Robert Mugabe, 93 ans, a démissionné mercredi, une semaine après un coup de force de l’armée.

Depuis leur intervention, les généraux tentaient d’obtenir la reddition en douceur du plus vieux président en exercice de la planète. Il a résisté jusqu’au bout, malgré la pression cumulée des militaires, de la rue et de son propre parti.

“C’est choquant, ce type était vraiment très, très puissant”, lâche, encore sous le coup de la surprise, Barber Wright Chirombe.

Tout en grillant du maïs au coin d’une rue, Karuma Muyembe, 40 ans, se réjouit d’être “libéré” du joug Mugabe. “Vive l’indépendance!” lance-t-il dans un clin d’oeil à l’Histoire.

Héros de la lutte contre la colonisation, Robert Mugabe était arrivé au pouvoir en 1980 au moment de l’indépendance de cette ancienne colonie britannique.

– ‘Tout changer’ –

“Son départ était attendu depuis si longtemps. Après sa démission, il faut couper toutes ces branches mortes qui l’entouraient”, proclame Munyaradzi Chihota, 40, un commerçant de 40 ans.

Sur un mur du centre de conférences Rainbow Towers, où le Parlement s’était transporté pour entamer une procédure de destitution du chef de l’Etat, un portrait du “Camarade Bob” a été arraché, déchiré et mis en pièces sous les acclamations d’une foule ondulant de plaisir.

Plusieurs personnes brandissent à bout de bras un portrait du chef d’état-major de l’armée, le général Constantino Chiwenga.

Un peu à l’écart, Yeukai Magwari, un vendeur de 33 ans, se souvient. “Nous étions réduits à rien sous Mugabe”, dit-il, “à partir de maintenant, on ne veut plus voir les personnes âgées dormir ou faire la queue devant les banques, ou que des gens soient réduits à l’indigence en sortant de l’université”.

Robert Mugabe quitte le pouvoir en laissant derrière lui un pays économiquement exsangue. Plus de 90% de sa population active est au chômage, les liquidités manquent et, depuis quelques mois, a ressurgi le spectre de l’hyperinflation.

“La situation du pays sous le règne de cet homme était vraiment très dure”, souligne Tendai Chaitezvi, un employé de banque de 29 ans. “Beaucoup de nos amis sont partis à l’étranger en attendant que les choses s’arrangent au pays”.

Un verre à la main, il fête au milieu de ses amis la chute du président dans un bar du centre-ville. “L’optimisme est de retour maintenant. Aujourd’hui, c’est l’espoir d’un retour à la normalité”.

A 37 ans, Leah Macharaga est née l’année de l’arrivée au pouvoir de Robert Mugabe. Elle n’a connu qu’un seul président. “Je haïssais cet homme”, avoue-t-elle.

A ses côtés, Modesta Macharaga, 35 ans, se pince encore pour y croire. “Les mots ne suffisent pas pour dire combien je suis heureuse”, dit-elle. “Maintenant j’espère un avenir meilleur pour notre pays et la fin de nos souffrances sous le règne de Mugabe”.

Source: AFP