Ancien opposant populaire devenu président controversé de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, 75 ans, définitivement acquitté mercredi par la Cour pénale internationale (CPI) des accusations de crimes contre l’humanité, reste un personnage central dans son pays où ses partisans attendent désormais son retour avec impatience.
Par Christophe KOFFI
Absent de Côte d’Ivoire depuis une décennie, ce retour plusieurs fois annoncé et reporté devrait intervenir rapidement après la décision de la CPI: ce serait un signe fort de la volonté de réconciliation nationale affichée par son principal rival, le président Alassane Ouattara.
Ce retour devrait en outre contribuer à l’apaisement constaté lors des législatives du 6 mars auxquelles le parti créé par Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), a décidé de participer pour la première fois depuis dix ans.
Pour de nombreux observateurs, l’ancien président a pourtant précipité son pays dans le chaos par sa volonté de se maintenir au pouvoir malgré sa défaite face à Alassane Ouattara à la présidentielle de 2010. Plus de 3.000 personnes sont mortes dans la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011.
Il fait toujours face en Côte d’Ivoire à une condamnation à 20 ans de prison pour le “braquage” de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest lors de la crise de 2010-2011.
“On ira jusqu’au bout”, lançait crânement Laurent Gbagbo après sa première apparition en décembre 2011 devant la CPI, qui le jugeait pour son rôle dans ces violences.
A La Haye, l’ancien président entendait faire éclater sa “vérité”. Pour lui, l’ex-puissance coloniale française a “fait le travail” et est derrière le “complot” qui a conduit à son arrestation le 11 avril 2011 par les forces de son rival, après deux semaines d’affrontements armés.
Avant d’être le premier ex-président détenu par la CPI, Laurent Koudou Gbagbo, né le 31 mai 1945, a eu une vie pleine de bruit et de fureur.
Tribun aimant à se poser en homme du peuple, historien de formation et d’abord activiste syndical, il a été l’opposant en chef au “père de la Nation” Félix Houphouët-Boigny, au pouvoir de 1960 à 1993 et longtemps premier relais de la France en Afrique.
– Nationalisme et religion –
Incorporé de force, emprisonné, il s’exile en France dans les années 1980, après avoir fondé clandestinement FPI, classé à gauche.
Membre de l’ethnie bété (ouest), il se lance ouvertement en politique en 1990, à l’avènement du multipartisme.
Son heure arrive le 26 octobre 2000 quand il accède à la présidence, dans des conditions de son propre aveu “calamiteuses”, dans un pays en proie aux violences à l’issue d’un scrutin dont ont été exclus ses principaux rivaux, l’ex-chef de l’Etat Henri Konan Bédié, renversé fin 1999 par un coup d’Etat, et l’ex-Premier ministre Alassane Ouattara.
Il verra la main de Ouattara – malgré les démentis de l’intéressé – derrière la rébellion qui échoue à le renverser en septembre 2002 mais prend le contrôle du nord du pays, qui vivra des années coupé en deux.
Nationaliste farouche sous ses airs bonhomme et son large sourire, chantre d’une “seconde indépendance” vis-à-vis de la France, M. Gbagbo a su s’appuyer sur ses jeunes partisans, les “patriotes”, qui enflammaient la rue à l’occasion et dont le chef, Charles Blé Goudé, égalemement poursuivi par la CPI pour crimes contre l’humanité a été définitivement acquitté en même temps que lui mercredi.
Signataire avec les rebelles nordistes d’un accord de paix en 2007, c’est finalement par ces combattants, alliés à Ouattara et aidés des bombardements français, qu’il sera capturé en avril 2011 et envoyé à La Haye en septembre de la même année.
En quatre mois de crise, le pays vient alors de frôler la guerre civile, à force d’exactions attribuées aux troupes pro-Gbagbo mais aussi au camp adverse.
D’abord prisonnier à Korhogo, dans la savane du nord ivoirien, puis à La Haye, Laurent Gbagbo fait face notamment par sa foi chrétienne évangélique, comme son épouse Simone avec qui il a eu deux filles.
L’ex-“dame de fer”, réclamée par la CPI mais que la Côte d’Ivoire ne lui a pas livrée, a écopé de 20 ans de prison avant d’être amnistiée.
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