Passé du treillis au costume et du marxisme-léninisme aux négociations avec le FMI, le président Denis Sassou Nguesso, 77 ans, qui sollicite un nouveau mandat dimanche, dirige d’une main de fer le Congo depuis la fin de la guerre civile de 1997.
Par Samir TOUNSI
“En ces moments d’incertitude, le peuple a besoin des hommes d’expérience. Et moi je mets mon expérience au service de toute la jeunesse”, a-t-il déclaré en lançant sa campagne début mars, en pleine crise sanitaire mondiale.
En matière d'”expérience”, le septuagénaire affiche 36 années cumulées au pouvoir, dans un pays dont l’âge médian est de … 19 ans d’après l’ONU.
Stature imposante, cheveu ras, sourire carnassier et regard assuré, Denis Sassou Nguesso n’a jamais donné la moindre impression de vouloir raccrocher.
En 2015, les Congolais s’étaient soulevés contre la réforme de la Constitution abolissant la limite d’âge et le nombre de mandats pour lui permettre de se représenter, tout en réduisant le septennat à un quinquennat. En vain.
Né en 1943 dans la bourgade d’Edou, à plus de 400 km au nord de Brazzaville, il embrasse une carrière militaire au moment où le Congo obtient son indépendance de la France en 1960.
Entre 1961 et 1963, il suit une formation militaire à l’école des officiers de réserve de Cherchell, dans une Algérie encore française, puis à l’école d’application de l’infanterie à Saint-Maixent (ouest de la France).
– Convulsions –
Sa vie de militaire et de politique se confondra avec les convulsions de son pays.
Jeune officier, il participe en 1968 au mouvement qui renverse le président Alphonse Massamba-Débat et porte au pouvoir le commandant Marien Ngouabi. L’année suivante, il est de la fondation du Parti congolais du travail (PCT), parti unique acquis alors au marxisme-léninisme.
Élément clef du système sécuritaire du régime comme chef du Groupement para-commando (GPC), puis ministre de la Défense, il accède à la tête de l’État en 1979, deux ans après l’assassinat de Ngouabi.
Le vent de contestation grandissant après la chute du mur de Berlin le contraint à ouvrir le pays au multipartisme. Lors de la première présidentielle démocratique de 1992, il est battu par Pascal Lissouba. Le Congo s’enfonce alors dans un cycle de violences marquées par trois guerres civiles en une décennie.
En 1997, à l’approche d’une nouvelle présidentielle ses miliciens “cobras”, appuyés vers la fin des hostilités par des militaires angolais, affrontent durant plusieurs mois les milices du président Lissouba.
Sorti vainqueur de ce conflit, M. Sassou transforme sa victoire militaire en triomphe électoral (près de 90% des suffrages) lors de la présidentielle de 2002, boycottée par les principaux dirigeants de l’opposition. La même année est adoptée une Constitution consacrant un régime présidentiel fort.
En 2009, celui qui est devenu un tenant du “socialisme hybride” après l’adoption de la “doctrine sociale-démocrate” par son parti remporte la présidentielle avec plus de 78% des suffrages. En 2016, il est réélu dès le premier tour avec plus de 60% des voix.
L’ancien chef d’état-major, le général Jean-Marie Michel Mokoko, et l’ex-ministre André Okombi Salissa ont contesté sa victoire. Ils purgent une peine de 20 ans de travaux forcés depuis 2018 pour “atteinte à la sécurité intérieure de l’État”.
– Emprise familiale –
Le chef de l’Etat, toujours bien mis dans des costumes occidentaux taillés sur mesure ou des tenues d’inspiration africaine, n’a pas tenu sa promesse d’utiliser la rente pétrolière pour développer des grands projets d’infrastructures et de développement.
Ce programme a été plombé depuis 2014 par une grave crise socio-économique marquée par la baisse des cours de l’or noir et un fort endettement contraignant le président Sassou à négocier une aide du Fonds monétaire international (FMI).
La pauvreté reste largement répandue et les détracteurs du président dénoncent son train de vie somptuaire, la corruption qui gangrène la sphère publique, l’emprise de sa famille et de son ethnie mbochi sur l’Etat ainsi que la répression de toute dissidence.
Mais les contestations intérieures ou les critiques d’ONG internationales laissent de marbre celui que les médias officiels présentent à l’envi en “artisan de la démocratie” ou en “apôtre de la paix”.
Depuis la mort, en 2009, du président gabonais Omar Bongo, qui avait épousé sa fille, Denis Sassou Nguesso se plaît d’ailleurs à endosser à son tour le rôle du “patriarche” ou du “vieux sage” dans les crises qui secouent la région, et parfois au-delà en Afrique. Toujours au nom de “l’expérience”…
© Agence France-Presse