Argentine: Milei, un cheminement spirituel entre Dieu “libertaire” et attrait pour le judaïsme

Le recueillement à New York lundi de Javier Milei sur la tombe d’un rabbin ultra-orthodoxe illustre un cheminement spirituel singulier du président argentin élu, entre catholicisme et judaïsme, sans certitude toutefois de conversion.

L’ultralibéral Milei, 53 ans, a mentionné quelques fois depuis deux ans qu’il étudie la Torah, de façon autodidacte. Par le passé il s’est aussi clairement dit “catholique”, “croyant en Dieu”. Et considérant d’une certaine façon que l’ordre naturel spontané est “anarcho-capitaliste” et “Dieu un libertaire”. Comme lui.

De fait, lorsque fraîchement élu député il prêta serment fin 2021 à la Chambre basse, Milei le fit selon la formule consacrée: “au nom de Dieu, de la Patrie, et des Saints Evangiles”.

Mais dans une interview en 2022 à une radio de la communauté juive d’Argentine (la plus importante d’Amérique latine, plus de 250.000 personnes), il racontait s’être rapproché de la Torah via ses cours d’économie, où un étudiant, aspirant rabbin, lui posait des questions “très impressionnantes, qui faisaient réfléchir”.

Il a alors rencontré en 2021 un influent rabbin de Buenos Aires, Axel Wahnish, qu’il a consulté régulièrement et qui “l’aidait à comprendre la situation d’une manière beaucoup plus profonde”. Se disant en particulier “ébloui” par la “dialectique” talmudique, une “façon d’analyser les choses”.

– Président pour le Shabbat ? –

“Le rabbin qui m’aide à étudier dit que je devrais lire la Torah du point de vue de l’analyse économique”, répétait Milei en juillet dans une interview à El Pais.

Pour autant, il soulevait la question des conséquences, voire incompatibilités, d’une éventuelle conversion, s’il était élu président.

“Si tu es juif parce que ta mère est juive, tu n’es pas obligé de suivre les préceptes du judaïsme. Mais si tu te convertis, tu es obligé. Si je suis président et que c’est le Shabbat, que dois-je faire ?”, se demandait-il.

“Est-ce que je vais me déconnecter du pays depuis la première étoile du vendredi jusqu’à la première étoile samedi ? Certains problèmes pourraient rendre cela incompatible”, convenait-il.

Dans une interview en septembre à LaNacion+TV, Milei déclarait “aller au temple, pas à l’église” et se disait “pas loin d’être juif, il ne me manque que le pacte du sang”.

Pour autant, Tomas Pener, jeune religieux de 24 ans du mouvement Betar-Argentine, qui servit de relais entre Milei et le rabbin Wahnish, et contribua à des rencontres avec la jeunesse juive locale, estime auprès de l’AFP que le président élu “n’était pas dans une recherche de conversion, et n’est pas actuellement dans un processus de conversion. Ce qui l’intéresse ce sont les études (…) Pour lui l’étude de la Torah est purement spirituelle, pour le savoir”.

Sur sa formation spirituelle, Milei expliqua avoir “toujours été une personne de foi”, mais lors de sa scolarité, douze ans en collège catholique, il vivait les cours de religion “quasi comme un poids”, qui “généraient non de l’intérêt, mais du désintérêt”.

Depuis 1994, la Constitution argentine ne fait plus obligation au chef de l’Etat d’être de foi catholique, comme plus de 75% des Argentins.

– Réconcilié avec François –

Milei a affirmé à plusieurs reprises que président, ses alliés seront “les Etats-Unis, Israël et le monde libre”. Il entend d’ailleurs déplacer l’ambassade argentine d’Israël à Jérusalem. Pas à l’ordre du jour immédiat, dans un contexte de conflit, a toutefois suggéré ces jours-ci Diana Mondino, sa cheffe de la diplomatie pressentie.

Pour le politologue Carlos Fara, “un propos spirituel (comme Milei) est atypique en Argentine, totalement étranger à la politique. Si ça reste à ce niveau, ça ne fera pas de bruit”, prédit-il. “Mais si le thème d’Israël devait s’exacerber, cela pourrait causer une certaine crainte dans une communauté +tranquille+”.

Milei a aussi eu des mots très durs, dans ses années de polémiste TV ou d’aspirant politicien, contre le pape François, qualifié entre autres d'”avocat du communisme”, de “néfaste”, “inutile”. Il s’est depuis excusé et, depuis son élection, le ton est… au grand pardon.

Ainsi, il s’est entretenu au téléphone avec le souverain pontife, qui l’a félicité pour sa victoire, lui a envoyé un “rosaire béni” pour son investiture, tandis que Milei l’a invité en Argentine, l’assurant “qu’il serait reçu avec tous les honneurs d’un chef d’Etat, mais aussi de chef spirituel des Argentins” en majorité catholiques.

Milei a décliné des demandes répétées d’interview de l’AFP, en campagne et depuis son élection.

Source: AFP