Un juge béninois de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) a quitté ses fonctions et fui le pays, dénonçant des pressions du pouvoir dans une interview diffusée par RFI lundi, à quelques jours de l’élection présidentielle.
“Le juge que je suis n’est pas indépendant”, affirme Essowé Batamoussi dans cet entretien diffusé tôt ce lundi par Radio France Internationale (RFI).
“Toutes les décisions que nous avons été amenés à prendre l’ont été sur pression y compris celle qui a vu le placement de dame Reckya Madougou en détention”, explique le juge, en charge du dossier de cette opposante, incarcérée début mars et accusée d’avoir “planifié des exécutions en série de personnalités politiques”.
“Dans ce dossier nous avons été sollicités par la chancellerie car le dossier ne comportait aucun élément qui pouvait nous décider à la mettre en détention”, poursuit Essowé Batamoussi, indiquant qu’il souhaite “aider les collègues qui sont sous pression et amener le peuple à savoir qu’ils n’agissent pas de leur plein gré.”
Contactées par l’AFP, la chancellerie et les autorités béninoises n’ont pas souhaité se prononcer sur le sujet.
“Il est encore trop tôt pour parler de la démission du juge. Aucun document n’a été déposé dans ce sens”, a indiqué de son côté une source au sein de la Criet.
La Criet est une Cour spéciale mise en place par le pouvoir de Patrice Talon et accusée par ses détracteurs de servir d’instrument judiciaire pour museler l’opposition.
Juge de la chambre des libertés de la Criet, Essowé Batamoussi est décrit à l’AFP comme “rigoureux et très exigeant” par l’un de ses collègues.
En février 2019, le chef de l’Etat lui a confié par décret une double responsabilité en le nommant juge dans un tribunal de deuxième instance “cumulativement avec ses fonctions à la Criet”.
Le Bénin votera dimanche pour une présidentielle qui s’annonce sans surprise, lors de laquelle le président Patrice Talon, accusé d’avoir verrouillé le scrutin, fera face à deux candidats de l’opposition sans aucun poids politique.
Sébastien Ajavon, important opposant arrivé troisième lors de la précédente présidentielle et déjà condamné par la Criet en 2018 à 20 ans de prison pour trafic de drogue, a été à nouveau condamné début mars par contumace à une deuxième peine de cinq de prison ferme pour “faux, usage de faux et escroquerie”.
Il vit actuellement en exil, comme la grande majorité des opposants de poids.
Au moment de son élection en 2016, M. Talon avait affirmé vouloir effectuer un unique mandat, avant de se rétracter et d’annoncer sa candidature mi-janvier pour le scrutin du 11 avril.
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