Le principal parti d’opposition au régime autoritaire de Yahya Jammeh a obtenu la majorité absolue aux élections législatives en Gambie, premier scrutin depuis le départ en exil de l’ex-président, dont la formation contrôlait le Parlement depuis 20 ans.
Par Jennifer O’MAHONY, Emilie IOB
Le Parti démocratique unifié (UDP) a remporté 31 des 53 sièges à pourvoir lors du scrutin de jeudi, a annoncé vendredi matin le président de la Commission électorale (IEC), Alieu Momar Njie, proclamant les “résultats définitifs”.
Le parti de M. Jammeh, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC), qui détenait une majorité écrasante dans l’Assemblée sortante et avait présenté des candidats dans 29 circonscriptions, ne conserve que 5 sièges.
Cinq des 58 députés du Parlement monocaméral doivent encore être désignés par le chef de l’Etat Adama Barrow, vainqueur, sous les couleurs d’une large coalition, de l’élection présidentielle du 1er décembre face à Yahya Jammeh.
Yahya Jammeh est parti en exil en Guinée équatoriale en janvier, à la suite d’une intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et d’une ultime médiation guinéo-mauritanienne pour le forcer à céder le pouvoir.
Déclaré battu de moins de 20.000 voix par Adama Barrow, après plus de 22 ans de pouvoir sans partage sur ce petit pays enclavé dans le territoire sénégalais, hormis sa façade atlantique, il a contesté pendant six semaines sa défaite.
La nette victoire de l’UDP – 31 élus sur ses 44 candidats – devrait donner une importante marge de manoeuvre à M. Barrow pour appliquer son programme de réformes.
Adama Barrow appartenait à l’UDP avant d’en démissionner pour représenter la coalition contre Yahya Jammeh, dont les partis membres se présentaient séparément aux législatives.
“Avec le président Barrow, nous sommes sur la même longueur d’ondes”, déclaré à l’AFP le chef de l’UDP, Ousainou Darboe, ministre des Affaires étrangères et opposant historique à Yahya Jammeh.
“Notre première priorité sera de réviser la Constitution”, a indiqué un autre responsable de l’UDP, Lamin Dibba, également ministre. “Nous allons aussi nous assurer que l’Assemblée nationale représentera le peuple plutôt que le président”, a-t-il ajouté, en référence à la toute-puissance de l’exécutif sous M. Jammeh.
– Faible participation –
Un des principaux enjeux de ce scrutin était de mesurer la capacité du parti de M. Jammeh à surmonter son départ, ainsi que le poids respectif des partis de la coalition.
Le Congrès démocratique de Gambie (GDC), de Mama Kandeh, arrivé en troisième position à l’élection présidentielle, loin derrière MM. Barrow et Jammeh, a obtenu cinq sièges, un résultat modeste par rapport à la percée espérée.
“Nous nous attendions à plus. C’est une surprise pour beaucoup d’entre nous”, a affirmé Ebrima Nyang, un des 52 candidats du parti, qui n’a pas été élu. Malgré la déception, il a estimé que le scrutin avait été “transparent”.
D’autres partis de la coalition se partagent 11 des 12 sièges restants, le dernier revenant à un candidat indépendant.
Le ministre de l’Intérieur Mai Fatty a remercié les Gambiens d’avoir “exprimé par leur vote leur soutien à ce gouvernement”, dans un message sur sa page Facebook. M. Fatty, dont la formation n’a obtenu aucun siège, a appelé à “mettre maintenant de côté la politique partisane et se rassembler autour du gouvernement pour recueillir les dividendes de la démocratie”.
L’ONU a salué le progrès représenté par le déroulement de ce scrutin “qui confirme la marche du pays vers la paix, la démocratie et la stabilité”, selon son représentant en Afrique de l’Ouest, Mohamed Ibn Chambas.
La participation a été particulièrement faible, s’établissant à 42%, a indiqué M. Njie, déplorant un manque de sens civique pour voter aux élections législatives.
Plus de 886.000 électeurs, sur quelque 2 millions d’habitants, étaient appelés à choisir leurs parlementaires parmi 238 candidats, un record de candidatures, selon l’IEC.
L’Union européenne, l’Union africaine et la Cédéao – dont les troupes sont toujours présentes en Gambie à la demande de M. Barrow – avaient déployé des observateurs pour ce scrutin législatif.
Source: AFP