Minneapolis sous haute tension après la mort d’un jeune homme noir tué par la police

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Appels au calme, couvre-feu, Garde nationale: les autorités américaines cherchaient lundi à empêcher Minneapolis de s’embraser après la mort d’un jeune homme noir abattu par la police en plein procès du meurtre de George Floyd.

Par Kerem Yucel avec Charlotte PLANTIVE à Washington

“Les manifestations pacifiques sont compréhensibles” après la mort “tragique” de Daunte Wright, a commenté le président démocrate Joe Biden, se disant conscient de “la colère et la douleur” vécues par les Afro-Américains.

Mais “il n’y a absolument aucune justification” aux violences, a-t-il ajouté en appelant la population de cette grande ville du nord des Etats-Unis “au calme”, après une nuit de protestations émaillées de pillages et échauffourées.

Les maires des villes jumelles de Minneapolis et Saint-Paul ont déclaré l’état d’urgence et un couvre-feu à partir de 19H00 (00H00 GMT mardi) dans toute l’agglomération. Un millier de soldats de la Garde nationale seront également à pied d’oeuvre pour empêcher de nouveaux débordements.

Cette situation de crise fait suite à la mort de Daunte Wright, un Afro-Américain de 20 ans, abattu dimanche par la police, alors qu’il circulait en voiture à Brooklyn Center, dans la banlieue de Minneapolis, avec sa petite amie.

Lors d’un contrôle lié à des plaques d’immatriculation invalides, une agente a “sorti son arme à feu à la place de son Taser”, un pistolet à impulsion électrique censé être moins létal qu’une arme à feu, a déclaré le chef de la police locale Tim Gannon, en évoquant une mort “accidentelle”.

Pour étayer ses propos, il a présenté l’enregistrement du drame par la caméra-piéton de la policière.

Sur ces images, on voit des agents sortir le jeune homme de son véhicule et lui passer des menottes. Celui-ci oppose alors une résistance et se rassoit dans sa voiture. On entend la policière crier “Taser, Taser”, pour signaler qu’elle va tirer. A la place, un coup de feu résonne.

La policière, qui était “expérimentée” selon son chef, a été placée en congé. Son nom n’a pas encore été rendu public.

– “Troubles civil” –

Ce drame a ravivé la colère à Minneapolis, qui avait connu plusieurs nuits d’émeutes après la mort de George Floyd, le 25 mai dernier, sous le genou du policier blanc Derek Chauvin.

Des manifestants sont à nouveau descendus dans les rues et des échauffourées nocturnes ont eu lieu autour du poste de police de Brooklyn Center. Une vingtaine de commerces ont été vandalisés.

Un nouvel appel à manifester, lundi soir, avait été lancé avant l’annonce du couvre-feu.

Des matches de basket, notamment de la NBA, mais aussi de baseball ou de hockey, prévus dans la soirée, ont pour leur part été reportés.

Dans ce climat tendu, l’avocat de Derek Chauvin a demandé de placer les jurés à l’écart pour empêcher qu’ils subissent des pressions. “Je comprends qu’il y ait des troubles civils” mais “je ne crois pas que cela soit un motif d’inquiétude supplémentaire”, a répondu le juge Peter Cahill.

“Le huis clos sera ordonné pour le jury à compter de lundi (prochain), jour où l’on attend les dernières plaidoiries”, a-t-il ajouté avant la reprise des audiences.

– “Fils à maman” –

L’accusation a ensuite appelé à la barre un cardiologue, qui a mis à mal la ligne de défense de Derek Chauvin, dont l’avocat soutient que George Floyd a succombé à une overdose combinée à des faiblesses cardiaques.

Le quadragénaire noir a “fait un arrêt cardiaque en raison d’un manque d’oxygène” lié à la pression exercée sur lui par les policiers, a assuré Jonathan Rich. “Je peux affirmer avec un haut niveau de certitude médicale que George Floyd n’a pas fait de crise cardiaque simple ni d’overdose”, a-t-il ajouté.

Un frère de George Floyd s’est ensuite présenté devant les jurés en vertu d’une règle propre à la justice du Minnesota, baptisée “l’étincelle de vie”, qui autorise l’accusation à convoquer des témoins pour présenter la personnalité de la victime.

Photos de famille à l’appui, Philonise Floyd a retracé, très ému, l’amour de son frère pour les sandwichs banane/mayonnaise, pour le sport et pour leur mère, disparue en 2018. C’était “un fils à maman”, a-t-il confié, des sanglots dans la voix.

L’accusation doit boucler son exposé mardi et il reviendra alors à la défense de convoquer ses propres témoins.

En attendant, les appels à réformer les forces de l’ordre américaines ont de nouveau retenti hors du tribunal.

Quelque 260 personnes ont été tuées par des policiers depuis le début de l’année, a souligné la puissante association de défense des droits civiques ACLU, pour qui “il est plus que temps d’agir avec des mesures concrètes”.

“Que faudra-t-il pour que les forces de l’ordre arrêtent de tuer les gens de couleur?”, a renchéri l’avocat Ben Crump qui représente la famille Floyd et désormais aussi celle de M. Wright.